En période de pénurie budgétaire, de baisse drastique de la dépense publique, les fonds communautaires constituent des aides précieuses pour les politiques de formation, d'insertion et d'emploi. Les collectivités tentent ainsi de pallier les carences de l'État et de faire face à son désengagement – je pense aux baisses des crédits pour la politique de la ville, intervenues en dépit des promesses faites par votre gouvernement après les manifestations de novembre 2005 dans les quartiers, à la suppression, par la loi Borloo, des SIFE, stages d'insertion et de formation professionnelle à l'emploi, outils de formation que les agents des services déconcentrés de l'État pouvaient jusqu'alors mettre en place pour faciliter l'insertion professionnelle de publics éloignés de l'emploi, ou encore à la suppression du FASILD – une attaque de plus contre les personnes immigrées soucieuses de suivre des cours de langue pour mieux s'insérer professionnellement! Le renoncement à tous ces outils de politique publique est emblématique de votre action.
Dans un tel contexte, la poursuite du transfert des fonds communautaires aux régions va donc dans le bon sens. Certaines collectivités territoriales avaient exprimé le souhait d'exercer les fonctions d'autorité de gestion des programmes opérationnels. La loi d'août 2004, que conforte cet article 33, le leur a permis. Ainsi, les régions qui en font la demande pourront à nouveau, pour la période 2007-2013, passer outre la décision du Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires de mars 2006, qui avait confirmé le choix d'une gestion étatique – même si largement déconcentrée – des crédits de la politique européenne de cohésion. Cette décision n'est que la conséquence logique de la politique de décentralisation poursuivie depuis plusieurs années par le Gouvernement.
Cependant, seules les régions sont concernées par ce transfert facultatif de compétence, alors que la compétence en matière d'insertion – volet également concerné par le Fonds social européen –, revient aux départements, notamment pour ce qui concerne le RMI. La loi du 13 août 2004 avait d'ailleurs ouvert aux conseils généraux la possibilité de se porter candidats pour la gestion, à titre expérimental, des crédits du FSE. Les départements pouvaient ainsi disposer d'un précieux atout pour assumer leurs nouvelles compétences. Chefs de file de l'action sociale, ils jugent légitimes de se voir confier la mission de gestion lorsque les actions relèvent du FSE.
Leur implication s'est d'ailleurs accrue de 2004 à 2006 dans la gestion directe des crédits du FSE, à laquelle plus de cinquante-trois départements prennent part aujourd'hui. Le renforcement de leurs services et de leurs équipes, rendu nécessaire par la spécificité des règles en matière de fonds européens, prouve cette forte mobilisation.
Votre politique demeure donc incohérente. D'un côté, vous décentralisez vers les départements une politique coûteuse, mais de l'autre, en revenant sur les possibilités ouvertes par l'article 44 de la loi de 2004, vous remettez en cause l'esprit de la décentralisation.
Et si l'État a pu apparaître pour certains comme un gestionnaire impartial, le mieux à même d'assurer la cohérence des politiques publiques, force est de constater qu'aujourd'hui, il préfère préempter les crédits FSE pour abonder ses propres politiques – du moins ce qu'il en reste.
Ainsi, les départements se trouvent doublement pénalisés : non seulement la décentralisation des compétences en matière d'insertion ne s'accompagne pas d'une dotation globale de fonctionnement suffisante pour leur permettre de remplir leurs missions, mais ils se voient privés de la gestion du FSE pour abonder leurs politiques d'insertion. Il y a là une incohérence au sujet de laquelle nous souhaiterions une explication. Enfin, les départements sont unanimes à regretter que les dispositions votées lors de l'acte II de la décentralisation aient disparu dans le nouveau projet de loi.