Chacun sait ici que le déficit actuel s'établit à quelque 40 milliards d'euros et connaît le rythme obligatoire de baisse du déficit que nous devons respecter si nous voulons tenir le délai de 2010 ou 2012. M. Bouvard l'a rappelé à l'instant : 15 milliards par an pour 2010 et 10 pour 2012. Cette arithmétique-là est familière à chacun d'entre nous.
Voyons maintenant ce qu'il faudra inscrire en face de ces diminutions obligatoires. Un grand institut de conjoncture a indiqué ce matin que le paquet fiscal allait coûter 14 milliards en 2008 et 17 milliards en année pleine. En outre, un certain nombre d'engagements de dépenses supplémentaires, réitérés avec force tout au long de la campagne électorale, ont également été pris. Permettez-moi d'en citer deux ou trois.
Nicolas Sarkozy s'est ainsi engagé à augmenter de 50 % le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui représente actuellement 21 milliards d'euros. Je vous laisse imaginer quel rythme d'augmentation des dépenses il faudra suivre pour atteindre la hausse de 50 %.
François Fillon a annoncé de cette tribune, dans son discours de politique générale, qu'il allait lancer un grand plan de désenclavement des cités, notamment en matière de transports en commun. Songez à ce que cela représente comme investissement !
Par ailleurs, nul ici n'oublie les engagements – sans doute politiques mais plus encore moraux – pris au regard de l'état de nos prisons. On peut parler d'atteinte aux droits de l'homme pour ceux qui sont privés de liberté pour avoir commis des délits et des crimes.
Si donc on ajoute aux 14 à 17 milliards d'euros de cadeaux fiscaux les 5 à 6 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, on arrive à plus de 20 milliards. Mais comment va-t-on financer ces dépenses fiscales ou budgétaires nouvelles qui font l'objet essentiel de ce débat d'orientation budgétaire ?
La réponse habituelle, celle qui a encore été faite à cette tribune, notamment par M. Bouvard, c'est la réforme de l'État et la baisse du nombre des fonctionnaires liée au non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux.
À ce stade, un minimum d'arithmétique est nécessaire. Après M. de Rugy, qui s'y est appliqué sur plusieurs années, je vais m'y essayer sur un an : 35 000 départs à la retraite non remplacés équivalent grosso modo à cinq cents millions d'euros d'économies. Comme le Gouvernement a assorti le non-remplacement des agents de l'État qui partaient à la retraite d'un engagement qui est de rendre aux fonctionnaires la moitié des économies réalisées, ce ne sont plus cinq cents millions d'euros que l'on économise mais deux cent cinquante millions. Puis-je rappeler que, rapporté aux vingt milliards d'euros dépensés, cela représente moins de 2 % des besoins de financement ?
J'en viens à ma conclusion. Le choix que vous avez fait et qui est le contraire de ce qui était prévu et annoncé va soumettre à des tensions insupportables des secteurs entiers de l'action publique de notre pays, et ce d'autant plus que nous sommes contraints à une certaine discipline budgétaire en raison de nos engagements européens.
Si encore nous avions la certitude que le paquet fiscal allait dans le bon sens et permettait de relancer l'économie et la compétitivité, peut-être pourrait-on prendre ce risque. Mais les plus grands économistes, comme la plupart des instituts de conjoncture, indiquent qu'au contraire vos choix ne vont pas dans la bonne direction. Et ce n'est un secret pour personne qu'y compris dans les rangs de la majorité des inquiétudes se font jour à ce sujet.
Je voulais donc vous alerter à cette tribune sur les risques que font courir vos choix aux finances publiques de notre pays et, à terme, à l'ensemble de nos équilibres économiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)