Ne sommes-nous pas, monsieur le président du comité des finances locales, en train d'assister à la reconstitution d'une tutelle de l'État sur les collectivités territoriales ?
Notons que la DGF de 2006 connaît une régularisation à la baisse de l'ordre de 84 millions d'euros qui devrait être imputée sur la DGF pour 2008. Une nouvelle régularisation à la baisse, estimée entre 200 et 300 millions d'euros, est attendue pour la DGF de 2007 et serait déduite de la DGF pour 2009.
Ces deux régularisations interviennent alors même que le Premier ministre indiquait très clairement, lors de sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale, le 3 juillet dernier, que « les dotations de l'État qui sont allouées aux collectivités territoriales ne pourront pas globalement croître au-delà de l'inflation en 2008 ». Cette orientation contestable est encore imprécise quant à ses modalités d'application et surtout inquiétante pour l'ensemble des collectivités territoriales.
Elle est imprécise dans la mesure où le Premier ministre a évoqué des dotations, sans préciser lesquelles : s'agit-il des dotations incluses dans le périmètre du contrat de croissance et de solidarité, ou de tous les concours alloués aux collectivités de manière directe ou indirecte ? Cette question a bien sûr son importance, car l'enjeu financier n'est pas le même selon que l'on se limite aux premières dotations ou que l'on considère l'ensemble de « l'effort financier en faveur des collectivités locales ».
Elle est également inquiétante, car elle annonce un manque à gagner pour les collectivités territoriales compris entre 330 et 400 millions d'euros sur les dotations pour 2008. Par de telles mesures, l'État romprait de manière unilatérale le pacte qui le liait depuis plusieurs années aux collectivités locales, alors même qu'il leur a transféré d'importantes charges partiellement compensées et dont l'évolution annuelle est très largement et automatiquement supérieure à l'inflation.
Nos collègues parlementaires présidents d'associations d'élus, M. Pélissard et M. Rousset, ou le président de l'Association des départements de France, Claudy Lebreton, ont ainsi souligné ces risques qui pèsent aujourd'hui sur les collectivités territoriales.
En fait, monsieur le ministre, vous voulez assécher les ressources des collectivités locales pour mettre ces dernières au pas puisque des élus, même de droite, n'acceptent pas les dispositions voulues par le Gouvernement.
Dans ces conditions, comment les collectivités vont-elles pouvoir poursuivre efficacement leurs politiques, d'autant que certains problèmes n'ont toujours pas été réglés, notamment depuis la mise en oeuvre de la loi de 2004 ? Ainsi, le transfert des routes nationales et des TOS, dans les collèges et les lycées, et le revenu minimum d'insertion restent une source majeure de préoccupation pour les départements.
À cela, il faut ajouter les dispositions qui découlent des lois votées au cours de la dernière législature. Je pense à la réforme de l'adoption, qui prévoit un suivi et un accompagnement renforcés avant, pendant et après l'adoption. Je pense aussi à la loi du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux, qui a des conséquences financières directes pour les départements.
À côté de ces dossiers, qui grèvent les finances des collectivités, le Gouvernement annonce de nouvelles mesures qui seront autant de nouvelles contraintes. Je pense ainsi à la carte scolaire et à sa suppression progressive annoncée par le ministre de l'éducation nationale. Cette suppression, sous prétexte d'absence d'efficacité, risque d'entraîner une désorganisation totale de l'offre éducative, notamment pour les régions et les départements, et générera de lourdes charges financières pour les collectivités. Je pense aux conséquences de cette mesure en matière de transport scolaire, qui deviendra plus coûteux s'il faut faire face à de nouveaux types de déplacements des collégiens, voire des lycéens.
Dans le domaine social, plusieurs réformes décidées par la loi du 5 mars 2007 ne seront pas sans effet sur les institutions locales, tant en termes financiers que d'organisation et de ressources humaines. Par exemple, la réforme de la protection de l'enfance prévoit la création d'une cellule départementale de signalement. De même, la réforme de la protection juridique des majeurs, qui crée la mesure d'accompagnement social personnalisé en remplacement de la tutelle sociale devrait être, au moins en partie, assumée par les départements.
Et je n'oublie pas la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées qui ne permet pas de garantir le financement durable des dispositions qu'elle contient.
En fait, c'est du devenir de la solidarité nationale qu'il est question ici. Je sais bien qu'elle a été assimilée à de l'assistanat au cours des dernières campagnes électorales. Et qu'on l'a accusée d'être à l'origine de tous les maux que connaît notre pays. Il est donc à craindre que les mesures que compte mettre en oeuvre le Gouvernement creusent encore les injustices sociales. Nous sommes là dans une logique libérale pleinement à l'oeuvre. Celle-ci est tout à fait confirmée par le coup de frein aux contrats aidés annoncé par Mme Lagarde dans Les Echos du 10 juillet dernier.
En effet, prétextant la diminution du chômage, 1e Gouvernement veut réduire de près d'un tiers le nombre d'entrées en emplois aidés dans le secteur marchand, passant ainsi de 185 000 à 130 000 entre le premier semestre 2007 et le second. Le ministère de l'économie et des finances indique même que « le dynamisme de l'emploi salarié ne justifie pas de consacrer autant d'efforts qu'auparavant au traitement social du chômage ».
Ce n'est cependant pas la seule raison qui pousse le Gouvernement à donner un coup de frein aux contrats aidés. Il lui aurait en effet fallu trouver, par redéploiement ou en collectif budgétaire, 600 millions d'euros supplémentaires par rapport aux crédits accordés dans la loi de finances. C'est pourtant bien peu comparé aux 15 milliards d'euros du paquet fiscal ! L'objectif est, pour le Gouvernement, la réalisation d'économies sur le dos des collectivités territoriales.
Cette annonce constitue donc une attaque directe non seulement envers les publics les plus éloignés de l'emploi mais aussi contre les opérateurs associatifs qui vont connaître de grandes difficultés de fonctionnement.
Le Gouvernement ne semble pas accorder la moindre attention à la nécessaire réforme de la fiscalité locale. Si déjà l'État n'assume pas la responsabilité des conséquences des transferts, s'il charge à nouveau la barque et qu'en plus, il veut contrôler et limiter leurs ressources, les collectivités territoriales, et en particulier les départements, vont se retrouver prochainement dans une situation financière inextricable.
Face à cette situation que doivent-elles faire ? Doivent-elles remettre en question leurs politiques volontaristes pourtant si indispensable pour faire vivre une véritable démocratie de proximité et pourront-elles même assumer leurs politiques obligatoires ?
Nous devons prendre la mesure des risques qui pèsent sur la participation de l'État aux finances des collectivités territoriales. Il est à mes yeux plus que jamais nécessaire que celles-ci puissent travailler dans un climat de confiance avec l'État. Mais pour être dans un climat de confiance, il faut être deux à le vouloir.
Monsieur le ministre, vous avez fait allusion à votre expérience d'élu local : mettez-la à profit pour engager d'autres relations avec les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)