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Intervention de Jean-Pierre Balligand

Réunion du 16 juillet 2007 à 15h00
Débat d'orientation budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Balligand :

Ne doit-on pas prévoir des abondements budgétaires spécifiques précisément pour soutenir la péréquation ?

En 2009, il faudra intégrer les chiffres du recensement sur la période 1999-2006 – avec une hausse de la population française –, ce qui ne sera pas simple avec une nette décroissance de la DGF, à moins d'en bouleverser l'architecture. Est-ce souhaitable après la réforme de 2004-2005 qui avait abouti à un point d'équilibre ? Où sont la visibilité et la prévisibilité promises par l'équipe précédente et Jean-François Copé lui-même lors de la conférence nationale des finances publiques.

Il me faut aborder une autre question, car réduire les flux financiers vers les collectivités locales, c'est prendre un risque avec la croissance économique de notre pays. Depuis 2003, les dépenses d'investissement des collectivités locales ont connu une progression annuelle de 8 % comme l'a montré un article récent de la Revue du Trésor, pour un total de 40 milliards d'euros en 2006 contre 30 milliards en 2002. À titre de comparaison, l'investissement des entreprises françaises sur la même période est passé de 159 à 187 milliards d'euros soit une croissance annuelle de 4 %. L'investissement local joue donc un rôle de premier plan : sa part est estimée à un point de croissance économique cumulée de 2002-2006 et génère la création de plus de 200 000 emplois dans le secteur privé – car l'investissement joue évidemment un rôle d'entraînement sur le secteur du BTP.

Il faut, par ailleurs souligner que cette progression de l'investissement public local de 10 milliards d'euros entre de 2002 à 2006 a été financée à parts égales par une hausse de 5 milliards d'euros de l'épargne – équivalent à 0,3 point de prélèvements obligatoires – et par un surcroît d'emprunt de 5 milliards d'euros, tout cela sans altérer la situation financière des collectivités locales.

Alors que cherche-t-on ?

Les communes investissent prioritairement dans l'aménagement urbain et le logement ; les départements dans la voirie et les collèges et les régions dans les lycées et les transports collectifs. Veut-on réduire cela ? Veut-on affaiblir les collectivités alors que la progression de l'investissement est aujourd'hui tirée par l'augmentation des prix ? En 2006, sur une progression du volume d'investissement du secteur public local de 7,1 %, 5,6 % sont imputables à la hausse des prix – tensions sur les salaires, hausse des prix des matières premières, de l'énergie –, la dynamique réelle de l'investissement est ramenée à une croissance de 3,6 %.

À moyen terme, les besoins en matière d'infrastructures routières, de protection environnementale, d'aménagements urbains, de logements, de transports et, plus généralement, les besoins induits par la décentralisation doivent rester soutenus. L'INSEE estime à 577 milliards d'euros le stock actuel de capital fixe des administrations publiques locales – ouvrages d'infrastructure, logements, matériels de transport et d'équipement, logiciels – et à 27 milliards d'euros son usure annuelle. Afin de reconstituer et de développer le stock de capital fixe, les administrations publiques locales ont investi 38,5 milliards d'euros en 2005. L'effort d'investissement observé ces dernières années a mis fin à une érosion relative du stock de capital. Sa valeur rapportée au PIB est passée de 31 % en 2000 à 34 % en 2005, mais elle reste inférieure aux 37 points de PIB de 1980, ce qui indique que, malgré les efforts, il y a une érosion de la valeur du capital collectif. Voilà pour le constat.

J'avoue ne pas comprendre la stratégie suivie par le Gouvernement en matière de collectivités locales, et je ne suis pas le seul dans ce cas au sein de cet organisme « transpolitique » qu'est l'Institut de la décentralisation. C'est illisible, à moins de considérer que ces collectivités sont érigées en variables d'ajustement du budget de l'État et qu'il faudrait, contre toute logique économique, les priver de recettes fiscales.

Les transferts de compétences prévus par la loi d'août 2004 ne sont pas encore totalement calés, à l'image de celui des formations sanitaires vers les régions ou de celui des personnels – le transfert des gestionnaires de RMI aux départements attend depuis 2005 et les contentieux se multiplient avec les communes, par exemple pour les passeports.

La volonté « d'associer », c'est une litote, les collectivités locales à des dépenses collectives n'a jamais été aussi grande : « Grenelle de l'environnement », universités autonomes mais financièrement dépendantes, contrats d'itinéraires sur des routes nationales. Tous les jours des procédures se mettent en place pour faire « participer » les collectivités territoriales, mais sans jamais aucune orientation précise, ni même une reconnaissance officielle par un ministre délégué aux collectivités locales. En revanche, on entend bien un discours passablement passéiste, compte tenu de la place des collectivités, prompt à stigmatiser la dépense locale.

Quand mènerez-vous une politique de l'intercommunalité pour rationaliser les EPCI et en couvrir le pays ? À moyen terme, avec un peu de coercition et de volonté politique, c'est un moyen structurel de peser sur la dépense locale, y compris en Île-de-France, sans agiter l'impossible gadget complètement dépassé d'une communauté urbaine.

Vous ne manifestez aucune envie de poser des questions de fond sur le rôle moteur des agglomérations, le rôle économique des régions, le rôle social des départements, ni aucun souci de respecter les autres personnes publiques, ce qui est tout de même un peu fort dans un État de droit, constitutionnellement décentralisé. L'objectif de redressement des comptes publics est partagé par tous les responsables politiques, mais il exige un changement dans la méthode et implique qu'une concertation soit engagée avec l'ensemble des acteurs de la dépense publique.

Voilà, monsieur le ministre, ce que je voulais vous dire. Mon ton est passionné parce qu'avec un certain nombre de collègues, je tente de défendre nos collectivités. Nous ne représentons ni les départements, ni les régions, ni les communes, ni aucune collectivité contre une autre. Mais, il y a aujourd'hui de vraies interrogations dans les collectivités locales parce qu'une tentation semble se faire jour – et je voudrais conclure en évoquant ce dernier point.

Mme Thatcher a conjugué ultralibéralisme et attaque contre les collectivités locales – ceux qui ont un peu de culture politique s'en souviennent. Tel était la règle en Grande-Bretagne où il a fallu attendre M. Blair pour que les collectivités locales retrouvent un statut. Je ne suis pas certain qu'il n'y ait pas aujourd'hui chez nous une tentative similaire pour conjuguer ultralibéralisme et centralisation économique et politique. Si c'est bien le pari en cours – et je pense qu'il y a un net infléchissement politique de la droite –, alors il faut en discuter dans le pays parce tous nos concitoyens ne sont pas au courant.

J'aimerais bien qu'un certain nombre de questions, y compris financières, que j'ai essayé de poser sur le plan technique à l'occasion de ce débat d'orientation reçoivent des réponses. En effet, comme cela a été dit par le rapporteur général et par notre président de commission, les enjeux de ce débat vont peser non seulement sur l'année 2008 mais jusqu'en 2012. Si vous ne voulez pas passer en force, nous avons besoin d'avoir une visibilité et une prévision sur les ressources des collectivités pour plusieurs années. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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