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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 16 juillet 2007 à 15h00
Débat d'orientation budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Cher collègue, je ne personnaliserai pas.

Quant à l'effet annoncé des mesures du « paquet fiscal », discuté la semaine dernière par notre assemblée, il sera, à en croire le rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire, quasi miraculeux : « Les dispositions contenues dans le projet de loi permettent d'augmenter le pouvoir d'achat des ménages et des salariés tout en diminuant le coût du travail pour les entreprises ». Mais l'expérience de cinq années de votre gestion, depuis 2002, nous a montré que ce type de mesure est inefficace pour relancer la consommation et la croissance car l'essentiel des cadeaux fiscaux ou des réductions de cotisations sociales va dans la poche des contribuables les plus fortunés, ou de patrons qui en profitent pour thésauriser ou effectuer des placements financiers. Une véritable politique de relèvement du pouvoir d'achat doit être orientée, massivement, vers les ménages moyens et modestes qui ont de nombreux besoins non satisfaits, et utilisent donc le surplus de pouvoir d'achat qui leur est accordé pour répondre à ces besoins. Quand un RMIste, un smicard, un fonctionnaire moyen, un employé d'une entreprise privée voit son salaire augmenter, que fait-il ? Il ne va pas acheter des actions, encore moins spéculer à la Bourse. Il va éventuellement faire les soldes pour habiller ses enfants avant les vacances, ou bien garder un peu d'argent pour faire face aux frais de la rentrée scolaire… C'est à ce demander, messieurs les membres du Gouvernement, dans quel monde vous vivez !

Les motivations réelles de votre « paquet fiscal » ne sont pas à chercher bien loin : Mme Lagarde les a annoncées très explicitement. Selon Les Échos du 10 juillet, lors des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, elle a expliqué vouloir – je la cite parce que cela vaut vraiment le coup – « désinhiber la France, réhabiliter le succès et son corollaire, l'argent ». Oui, monsieur Karoutchi, je vous vois sourire, parce que vous qui êtes un homme du champ politique, vous savez bien qu'on peut penser cela, mais pas le dire aussi ouvertement ! Vous savez à quel point cela peut avoir des effets détestables ! Je regrette seulement qu'elle ne l'ait pas dit entre les deux tours des élections législatives, si possible à une heure de grande audience, sur TF1 par exemple… Dans le même registre, on a déjà pu constater que le Président de la République prêche par l'exemple, entre Fouquet's et yacht de luxe. Et Mme Lagarde d'ajouter devant les investisseurs de Paris Europlace, à l'intention de ses amis fortunés, mais au patriotisme très chancelant : « Vous qui partez chercher au loin les clefs du paradis fiscal, je vous dis : revenez, ce n'est plus le purgatoire ici ! Enrichissez-vous ! ». On ne se lasse pas de la reciter, à voir comment elle a appris son Guizot par coeur !

De ce point de vue, les choses sont déjà en très bonne voie, comme le confirme une étude de l'économiste Camille Lombais de l'École d'économie de Paris : « Notre travail révèle un fort accroissement des inégalités de revenus depuis huit ans, du fait d'une augmentation très forte des revenus des foyers les plus riches depuis 1988, tandis que les revenus moyens et médians croissent très modestement. Les 0,01 % des foyers les plus riches ont vu leur revenu croître de 42,6 % sur la période, contre 4,6 % pour les 90 % des foyers les moins riches ». Voilà, mes chers collègues de droite – « chers » parce que vos politiques coûtent cher aux contribuables et rapportent beaucoup à ceux dont vous allégez les impôts, c'est-à-dire les plus riches !

Camille Lombais explique cet accroissement des inégalités par une jolie formule : « La forte dynamique des revenus du patrimoine explique une partie des divergences de destin entre les niveaux de revenus ». Avouez que c'est bien tourné… Je suis sûr que Guy Geoffroy va apprécier !

Le rapport précise vos projets concernant les services publics auxquels, rappelons-le, les Français sont extrêmement attachés. Or, ces projets sont des plus inquiétants ! L'axe stratégique est dessiné page 20 : « Le service public doit se recentrer sur ses missions pour plus d'efficacité afin de mieux accompagner l'initiative privée et favoriser la croissance. Cette meilleure utilisation de l'argent public permettra de dégager les marges de manoeuvre nécessaires pour financer les dépenses indispensables à une croissance durablement plus forte, comme les crédits pour la recherche et l'université ».

Les hôpitaux sont, déjà, fortement incités à coopérer, pour leurs investissements, avec le privé. Mais je n'ai jamais vu le groupe Bouygues faire oeuvre de philanthropie ! S'il finance des investissements, même dans un hôpital, il en attendra un retour en espèces sonnantes et trébuchantes. Payées par qui ? Par la sécurité sociale, bien entendu…

Les objectifs sont donc clairement énoncés : « accompagner l'initiative privée et favoriser la croissance ». Jusqu'à présent les objectifs du service public, dans une perspective républicaine, étaient de répondre aux besoins des citoyens en fournissant à tous un service de qualité, financièrement et géographiquement accessible à chacun, sans discrimination. Le service public est, et doit rester, au service des citoyens et non de l'initiative privée, car il est un puissant facteur de cohésion sociale.

Vous invoquez sans cesse la défense de l'attractivité de la France. Mais cette attractivité est fondamentalement liée à la qualité des services publics de l'éducation, de la santé, des transports, de la culture – pour n'en citer que quelques-uns – et non au moins-disant fiscal et social, votre credo.

Du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, vous avez fait un dogme. Cette mesure rétrograde, personne n'avait osé la mettre à exécution, même si elle fait les beaux soirs des théoriciens libéraux depuis des années. Le document d'orientation budgétaire indique, au passage, que le rythme d'accroissement des effectifs dans la fonction publique territoriale est supérieur à celui enregistré dans la fonction publique de l'État. Cela résulte simplement des transferts de compétences opérés dans la dernière période.

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