Avec l'article 42, nous abordons la question de la tarification à l'activité – la T2A – et celle de la convergence entre les établissements du public et du privé, deux points très importants de ce projet de loi.
Nos positions sont connues, mais je veux les rappeler avec le plus de solennité possible – même si je le fais très rapidement et en style télégraphique – puisque je n'ai pas eu le sentiment d'avoir été entendu précédemment.
Premièrement, nous étions favorables, dans son principe, à la T2A. Des années après sa mise en oeuvre, nous ne comprenons toujours pas pourquoi on n'en corrige pas ses effets tarifaires, de manière à prendre en compte les problèmes sociaux ou psychiatriques associés à certaines maladies. Il faut faire évoluer les tarifs de manière à mieux tenir compte des actes sociopsychiatriques et, plus globalement, les actes médicaux faisant appel à des prestations intellectuelles par opposition aux actes dits techniques.
Or la tarification actuelle favorise outrageusement les actes techniques, ce qui entraîne des déséquilibres dans les pratiques médicales. Comme cela ne semble pas être intentionnel, je ne comprends pas pourquoi on ne rectifie pas cette tendance qui favorise une médecine ou une chirurgie technicienne, porteuse souvent d'effets inflationnistes et parfois de risques iatrogènes.
Qui plus est, cette T2A intervient dans un contexte de pénurie budgétaire qui pèse sur nos hôpitaux publics. Cela crée dans un certain nombres de CHU ou d'hôpitaux de proximité, des tensions qui conduisent les personnels à douter de l'avenir du service public.
Deuxième point : le principe de convergence entre les établissements du public et du privé. Je pensais que le Gouvernement avait pris la sage décision – insuffisante à mes yeux, mais néanmoins sage – de ne pas aller plus loin dans ce domaine. Il semblerait que ce ne soit pas le cas, puisqu'un amendement gouvernemental tend à faire redémarrer le mouvement.
J'aimerais que nos collègues se rendent compte de la situation dans laquelle nous nous retrouvons, quelques années après l'application de ce principe de convergence. Dans le domaine de la santé, la France est le pays européen où le secteur privé à but lucratif tient, et de loin, la place la plus importante en matière d'offre hospitalière. Ni en Allemagne, ni en Grande-Bretagne, ni dans aucun pays scandinave, on n'observe un tel taux de pénétration des cliniques privées à but lucratif, notamment – évidemment – en chirurgie programmée ou en hémodialyse.
De plus, ce secteur des cliniques privées est en pleine restructuration. Le modèle traditionnel – la clinique fondée par un médecin ou un chirurgien – est en train de disparaître. On assiste désormais à une entrée massive de fonds de pension anglo-saxons : ils ont déjà racheté des milliers et des milliers de lits, au point de représenter aujourd'hui plus de 30 % de l'hospitalisation privée en France.
Parmi ces acteurs on trouve la Générale de Santé – souvent décriée – mais aussi des fonds d'investissements présents aux États-Unis et en Europe comme Apax Partners qui possèdent plus de 6 000 lits, ou Blackstone qui vient d'acheter plus de 3 200 lits et s'apprête à reprendre quarante établissements supplémentaires.
Or la règle, pour ces grands groupes financiers, est au minimum un taux de retour sur investissement à deux chiffres – probablement de l'ordre, en l'occurrence, de 18 à 20 %.
Que l'on ne néglige pas les problèmes de compétitivité, soit, mais que l'État ne se montre pas meilleur stratège, et surtout ne soit pas capable d'empêcher ce secteur de devenir un lieu de pur profit, pose un problème majeur auquel nous devrions, sur tous les bancs de cet hémicycle, être sensibles. Bref, il y a des dérapages et, en développant le processus de convergence, le Gouvernement aggrave une situation qui se révélera bientôt irrécupérable.
Nous nous sommes fixé des règles de travail que je respecte : je n'interviendrai donc plus lors de la discussion des amendements, mais je tenais à interpeller solennellement l'ensemble de nos collègues sur cette question majeure.