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Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 29 octobre 2007 à 18h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 — Article 39

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports :

Je souhaite d'autant plus, monsieur le président, répondre à M. Colombier qu'il m'avait déjà interpellé sur ce sujet lors de la discussion générale et que je lui avais promis de lui répondre à l'occasion de l'examen de cet article, qui va me permettre de m'expliquer complètement.

Il faut savoir que la France compte une officine pour 2 500 habitants, ce qui est une des plus fortes densités d'Europe, puisque la moyenne européenne est d'une officine pour 3 300 personnes, l'Allemagne en comptant même une pour 4 000 habitants.

Par ailleurs, la distribution pharmaceutique a un coût élevé dans notre pays puisqu'elle représente, selon un récent rapport du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, à peu près 30 % du prix public hors taxe des médicaments hors marge arrière. Ce coût est lié à deux phénomènes : une rémunération importante des acteurs de la distribution, notamment des pharmaciens, supérieure à celle de nombreux médecins, même spécialistes ; un réseau de distribution particulièrement dense, puisque la France est le pays d'Europe qui compte le plus grand nombre de pharmacies. Il suffit de sortir de ce palais national, par exemple, pour tomber sur une multiplicité d'officines, distantes parfois d'une cinquantaine de mètres seulement.

Inciter au regroupement des petites officines ne nuirait en rien à la population et permettrait à ces pharmacies de supporter d'éventuelles variations de marge visant à diminuer les coûts de distribution, encore élevés dans notre pays.

Dans le même ordre d'idée, pour couvrir les besoins apparaissant dans une commune ou une zone dont la population augmente, il faut inciter le plus possible au transfert ou au regroupement d'officines surnuméraires n'importe où sur le territoire alors que jusque-là les transferts ne pouvaient se faire qu'à proximité. Je l'avais d'ailleurs indiqué il y a une semaine à M. Lachaud, qui m'avait interpellé sur ce sujet lors des questions au Gouvernement. La création ne doit être décidée qu'en dernier recours, s'il n'y a véritablement aucune possibilité de transfert ou de regroupement.

L'objectif de la mesure proposée, cher Georges Colombier, est de limiter les créations aux zones où existe vraiment un besoin qui n'est pas couvert, en révisant le seuil de population autorisant l'ouverture d'une pharmacie supplémentaire – cela ne concerne pas l'installation d'une première pharmacie dans une commune – et en facilitant les regroupements et les transferts.

À la question de savoir si cette mesure risque de faire monter le prix des officines à des niveaux inaccessibles aux jeunes pharmaciens, je réponds par la négative. Il y aujourd'hui peu de créations d'officines – seulement quinze l'an dernier – et leur prix n'explose pas pour autant. À l'inverse, la publication des nouveaux chiffres de recensement de 2008 et 2009 pourrait, à législation constante, ouvrir de nombreuses possibilités. En favorisant les transferts et regroupements, la mesure proposée permettra de limiter l'impact sur la viabilité des officines et l'équilibre du secteur.

La mesure s'accompagne de dispositions concernant les sociétés d'exercice libéral. Ces sociétés permettent à de jeunes pharmaciens de monter progressivement dans le capital d'une officine. L'exercice en association concerne aujourd'hui pratiquement la moitié de l'effectif, et sa part augmente régulièrement de plus de 4 % par an. La loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, loi MURCEF, dont les décrets sont en cours de publication, ouvre également la possibilité pour les pharmaciens adjoints d'accéder de façon progressive au statut de titulaire. Cette mesure a un impact social indéniable.

Certaines officines peu rentables vont devenir vendables dans la perspective d'une reprise, d'un transfert ou d'un regroupement. Or ces officines peu rentables constituent pour certains pharmaciens un capital au moment de leur départ en retraite. Ce rééquilibrage permettra par ailleurs de réduire l'écart existant entre de grosses officines attractives et de petites pharmacies. Cela ne peut être que favorable à un lissage des niveaux de marge et à l'harmonisation des implantations territoriales.

La répartition harmonieuse des officines est évidemment un élément tout à fait important du point de vue de l'objectif de coordination des soins qui a été largement évoqué dans les articles précédents. À côté d'une perspective de libéralisation du capital par la Commission européenne, que vous avez évoquée ainsi que certains membres de la commission Attali, l'impact éventuel de la présente mesure sur le prix des officines apparaîtra bien dérisoire. Les forces à l'oeuvre en la matière dépassent de loin les pressions que pourraient exercer les officinaux. Il faut signaler que le grand nombre de départs à la retraite de pharmaciens titulaires dans les années à venir va au contraire conduire à une baisse des prix par abondance d'offre.

Si on veut abaisser le coût de la distribution, qui, je le répète, est plus élevé en France qu'ailleurs, il importe de procéder par ordre, c'est-à-dire de diminuer en premier lieu le nombre des points de vente, pour pouvoir agir ensuite sur les marges. En effet, décider des baisses de marge sans avoir au préalable donné aux officines les moyens de les assumer conduirait certaines au dépôt de bilan, ce qui serait évidemment tout à fait dommageable au maillage officinal du territoire et à la santé publique.

Le texte proposé maintient les possibilités d'ouverture dans les zones rurales et facilite le transfert vers ces zones. La nécessité d'ouvrir des officines dans certaines zones rurbaines en croissance tout en fermant des officines de centres-villes est donc prise en compte, cher Georges Colombier, conformément à votre souhait.

Nous avons évidemment agi conformément aux cadres européens, et je crois pouvoir dire que nous n'avons pas de crainte à avoir de ce côté.

Par ailleurs, on ne peut aucunement comparer les taxis, qui ne sont pas assez nombreux, et les pharmacies, qui le sont trop : la logique n'est pas du tout la même. L'article 39 est de nature à répondre à votre préoccupation. Les officines sont trop nombreuses dans certains secteurs et pas assez dans les quartiers que vous évoquez. Donnons donc, avec cette disposition, à des officines peu rentables ou peu vendables la possibilité, qu'elles n'avaient pas jusqu'à présent, d'aller dans ces secteurs, au lieu de créer de nouvelles officines alors que c'est en France que leur nombre est le plus élevé en Europe.

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