Sur le fond, j'aborde chacun des trois débats d'aujourd'hui avec la liberté dont se revendiquent les parlementaires du Mouvement Démocrate. C'est donc sans parti pris, sans dogmatisme et en conscience que je me prononcerai sur chacun de ces textes.
Cette première proposition de loi que nous examinons contient deux volets : la suppression du bouclier fiscal et la rémunération des dirigeants d'entreprises recevant des aides publiques. Je m'y intéresserai donc successivement.
Sur le premier point, autant le dire d'emblée : nous partageons les motivations et les conclusions des auteurs de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) François Bayrou était d'ailleurs parmi les tout premiers, en juillet 2007, à dénoncer les dispositions prises dans le cadre de la loi TEPA et dans lesquelles l'injustice sociale le dispute à l'erreur économique.
Injustice sociale, parce qu'il est inconcevable de protéger les plus favorisés de l'effort collectif. Rappelons les chiffres de la mise en oeuvre du bouclier fiscal : un peu moins d'un millier de foyers a reçu 300 millions d'euros… ce sont des chiffres choquants ! Déjà injuste en période de croissance, le bouclier fiscal devient véritablement indécent dans la période de crise que nous traversons. Comment expliquer que certains seront exonérés de toute contribution supplémentaire, alors que la situation dramatique de nos comptes publics – 105 milliards d'euros de déficit – appellera inévitablement un effort accru ? Dans notre société fragile, cette situation sera inévitablement vécue comme une provocation.
Erreur économique, dans la mesure où, non content de concentrer la charge fiscale sur les classes moyennes, dont la reprise de la consommation est pourtant un des facteurs de la relance, le bouclier fiscal contribue à priver l'État de marges de manoeuvre supplémentaires, au moment où celui-ci doit contribuer à la relance et parfois même lui donner son impulsion.
Votre ami – ou à tout le moins membre de votre majorité – Alain Juppé ne dit pas autre chose lorsqu'il déclare que, dans un contexte de crise, le bouclier fiscal « apparaît difficilement explicable » et qu'il faut le réformer afin d'« envoyer un signal d'équité et de justice ». Il faut plus que le réformer, il faut l'abroger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Sur le deuxième volet du texte, à savoir les articles 2 et 3, j'ai tendance à considérer que la proposition de loi apporte une réponse plus symbolique que vraiment réfléchie à une question importante : la rémunération des dirigeants d'entreprises, et notamment de celles bénéficiant d'aides publiques. Nos concitoyens sont en effet profondément scandalisés par certaines pratiques étalées dans la presse et qui dépassent toute mesure. Aussi est-il prévu, dans deux dispositions s'appliquant aux entreprises recapitalisées par les pouvoirs publics, de plafonner la rémunération maximale à vingt-cinq fois la rémunération la plus basse et d'interdire la remise d'actions aux dirigeants.
J'enregistre ces propositions, qui constituent des pistes de travail, mais en y apportant un bémol : prenons garde à ne pas tomber dans les errements d'une économie administrée ou les illusions d'une économie refermée sur la sphère nationale, dont nous savons qu'elles ont échoué partout où elles ont été mises en oeuvre. Il faudra sans doute aller beaucoup plus loin dans la réflexion avant de prendre les décisions qui s'imposent.
La suppression du bouclier fiscal est donc l'idée majeure de ce texte ; c'est sa raison d'être principale. C'est la raison pour laquelle je me prononce globalement en faveur de l'adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)