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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 30 avril 2009 à 9h30
Hauts revenus et solidarité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac :

Vous vouliez un débat de fond, mes chers collègues. Je regrette que les bancs de la majorité se retrouvent si peu garnis au moment où nous pouvions avoir ce débat, mais j'attends néanmoins des réponses, notamment de Mme la ministre, sur les points précis que je viens de soulever.

Le deuxième article de la proposition de loi est consacré à la rémunération des dirigeants. Si, sur cette question, vous n'avez pas fait preuve de la même lâcheté politique qu'au sujet de l'ISF, madame la ministre, vos propos comportaient de nombreuses approximations. À vous entendre, plafonner les rémunérations des dirigeants équivaudrait à revenir à une économie administrée. Puisque vous entretenez de bonnes relations avec l'administration du président Obama, je suis sûr que c'est avec tout autant de coeur et de sincérité que vous allez expliquer outre-Atlantique qu'en plafonnant la rémunération des dirigeants, les États-Unis sont passés à une économie administrée qui renvoie à d'autres temps – avant la chute du mur de Berlin – et d'autres lieux. Mais vous ne le ferez pas, car vous savez qu'un tel argument est parfaitement outrancier. Plafonner les revenus des dirigeants d'entreprises n'implique pas le retour à une économie administrée : il suffirait de prendre une loi en ce sens, sans qu'il soit nécessaire de rien modifier par ailleurs. En vous y refusant, vous vous résignez à ce qu'apparaissent, semaine après semaine, de nouvelles révélations sur les rémunérations invraisemblables que s'accordent entre eux certains dirigeants.

Madame la ministre, vous aviez pris du haut de cette tribune des engagements formels au sujet des dirigeants de Dexia, assurant que vous n'accepteriez pas de voir les dirigeants fautifs de cette banque en quasi-faillite empocher, après leur licenciement, des indemnités de départ, des retraites-chapeaux ou des « golden parachutes ». Alors que l'État français est l'un des actionnaires de référence de Dexia, comment expliquez-vous que M. Axel Miller, l'un des principaux responsables de la faillite de l'établissement, parte avec un parachute doré de 835 000 euros ? Pendant combien de temps allez-vous tolérer de voir ainsi bafouer les engagements des principaux membres de notre gouvernement ? Combien de temps encore supporterez-vous de voir vos engagements et les promesses présidentielles ridiculisés de la sorte ? Il en va de l'autorité de l'État : puisque vous avez affirmé que les dirigeants de Dexia partiraient sans compensation d'aucune sorte, empêchez M. Axel Miller de partir avec son parachute doré de 835 000 euros, et M. Pierre Richard avec sa retraite-chapeau qui lui garantit, à vie, 600 000 euros par an ! Mes chers collègues, vous vouliez des éléments précis, je vous les livre, en espérant que l'UMP nous fera part de sa position, au moins sur les cas que j'ai évoqués ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Par ailleurs, le Président de la République n'a pas eu de mots assez durs pour stigmatiser les dirigeants qui partent fortune assurée, alors même qu'ils ont mené leur entreprise à une situation périlleuse. Comment justifiez-vous, madame la ministre, que l'ancien président de l'entreprise Valeo, M. Morin, dont on connaît la situation catastrophique, ait pu toucher une gratification de 3,2 millions d'euros ? Qu'avez-vous dit à cette occasion, madame la ministre ? Rien ! Et ne croyez pas vous en tirer en baissant la tête et en vous affairant à souligner des documents, car j'entends bien obtenir une réponse de votre part !

Parlons également du cas du groupe GDF-Suez, dont l'État est l'actionnaire principal. Pouvez-vous nous dire quelle a été la position des représentants de l'État lorsqu'il s'est agi d'augmenter la rémunération de M. Mestrallet de 15 %, étant précisé qu'il percevait déjà une rémunération fixe de 3,2 millions d'euros ? Qu'a donc fait M. Mestrallet l'année dernière pour mériter une augmentation de 15 %, alors qu'il refuse une augmentation de 0,3 % aux salariés de son entreprise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Et qu'a donc fait M. Jean-François Cirelli, qui a augmenté cette année sa rémunération de 183 % – il n'y avait qu'un seul précédent, celui du Président de la République lors de son installation à l'Élysée – et qui lui aussi refuse de lâcher quoi que ce soit sur les salaires ? Ces augmentations indécentes seraient, paraît-il, justifiées par le fait que l'écart de rémunération entre les deux dirigeants de GDF-Suez était trop important. Je m'étonne, madame la ministre, que les représentants de l'État au conseil d'administration n'aient pas suggéré de le réduire en diminuant la rémunération de M. Mestrallet, plutôt qu'en augmentant celle de M. Cirelli ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

En ce qui concerne le groupe EDF où, que je sache, l'État peut encore faire prévaloir ses vues, comment expliquez-vous, madame la ministre, que son président, M. Gadonneix, ait augmenté sa rémunération de près de 10 % ? Qu'a donc fait M. Gadonneix l'année dernière pour mériter cette augmentation de pouvoir d'achat, alors que tous les autres salariés de France ne se voient attribuer que de chiches augmentations, quand elles ne sont pas simplement refusées ?

Vous vouliez du débat, mes chers collègues de la majorité, vous l'avez ! Et puisque le Gouvernement que vous soutenez a laissé procéder à ces augmentations de rémunération alors qu'il avait le pouvoir de s'y opposer, le groupe socialiste vous demandera, lors du vote solennel, de faire part de votre position. Si vous refusez de voter les articles de notre proposition, c'est que vous acceptez ces pratiques. Dans ces conditions, ne les dénoncez plus jamais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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