J'en viens à la proposition de loi du groupe Nouveau Centre. La question qu'elle pose, disais-je, est la bonne, mais le Gouvernement juge la réponse inadéquate. La fixation de la rémunération des dirigeants – présidents, directeurs généraux, directeurs généraux délégués et membres du directoire – relève aujourd'hui de la compétence du conseil d'administration ; l'objet principal de la proposition de loi est d'en faire la compétence de l'assemblée générale des actionnaires.
J'observe en premier lieu qu'une telle proposition est en partie redondante avec la législation actuelle. En effet, les actionnaires ont déjà à connaître de la rémunération des dirigeants, puisqu'ils votent l'approbation des comptes, lesquels sont présentés accompagnés d'un rapport de gestion qui comprend toute l'information relative à la rémunération des dirigeants. À travers les comptes, les actionnaires se prononcent ainsi sur la rémunération des dirigeants.
Au-delà de ce constat, la proposition de loi soulève un certain nombre de difficultés. La plus importante d'entre elles relève des fondements de notre droit des sociétés. C'est aujourd'hui le conseil d'administration ou de surveillance qui est responsable du respect de l'intérêt général, non seulement des actionnaires, mais surtout de l'entreprise. La fixation de la rémunération des dirigeants doit donc se faire dans l'intérêt de l'entreprise, intérêt plus vaste que celui des seuls actionnaires. Prônant la souveraineté de l'assemblée générale, vous proposez de déresponsabiliser les conseils. Dans certains cas, un tel schéma permettrait de valider des décisions qui ne correspondraient pas à l'intérêt général de l'entreprise, supprimant ainsi des possibilités de contestation pour certains actionnaires minoritaires.
L'équilibre actuel présente une cohérence certaine : le conseil d'administration fixe les rémunérations dans l'intérêt de l'entreprise ; l'assemblée générale, comme je l'ai rappelé, en assure le contrôle grâce à l'information dont elle dispose via les comptes ; elle dispose aussi du pouvoir de révoquer les dirigeants.
Outre ces problèmes de principe, la proposition de loi soulève des difficultés pratiques. Que faire, par exemple, monsieur le rapporteur, en cas de vote négatif de l'assemblée générale ? Faudrait-il alors réunir une assemblée générale exceptionnelle pour se prononcer sur une nouvelle proposition du conseil d'administration ? Une telle procédure serait exagérément lourde et perturberait le fonctionnement des sociétés, au détriment de leur activité économique et en particulier de la création d'emplois.
J'ajoute que votre texte ne traite pas la question du cumul entre contrat de travail et mandat social. Dès lors, le recours à un contrat de travail permettrait de contourner assez facilement le dispositif que vous proposez.
Enfin, les excès auxquels nous assistons demeurent concentrés dans un petit nombre d'entreprises généralement cotées en bourse, et même des plus grosses d'entre elles. Or votre proposition s'appliquerait à toutes les entreprises, sans distinction. Une procédure aussi lourde serait-elle adaptée aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire ? Ne serait-elle pas au contraire pénalisante pour elles, alors que le sens de la mesure – le bon sens, dirai-je même – est souvent plus présent dans ces entreprises que dans les autres ?
Vous arguez, monsieur le rapporteur, que certains pays ont adopté un régime proche de celui que vous proposez. Mais, lorsque c'est le cas, le vote de l'assemblée générale n'est que consultatif, ce qui évite les difficultés pratiques que j'évoquais.
En conclusion, si votre proposition de loi soulève de vraies questions, sur lesquelles nous devons continuer à travailler, elle nous semble comporter plus d'inconvénients que d'avantages. Pour ces différentes raisons, le Gouvernement n'est donc pas favorable à son adoption. Il est en revanche très attentif aux réflexions menées dans le cadre du rapport d'information de votre commission, réflexions que le présent texte, j'en suis convaincue, aura d'ailleurs enrichies. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)