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Intervention de Michel Vaxès

Réunion du 20 novembre 2008 à 15h00
Lutte contre le terrorisme et contrôles frontaliers — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Vaxès :

Cette approche est réductrice et, j'en suis profondément convaincu, contre-productive. Il ne s'agit pas d'angélisme, mais de réalisme ! Voyez l'évolution qu'a connue le terrorisme depuis que ces dispositions ont été adoptées. La menace n'est-elle pas plus importante aujourd'hui ? Je l'ai en tout cas entendu dire de votre côté de l'hémicycle. Or, à mon sens, les stratégies de guerre n'y sont pas étrangères.

Voilà pourquoi nous refusons de cautionner l'effet d'aubaine de la menace terroriste, qui permet de justifier des dispositions sécuritaires souvent fort éloignées des nécessités de la lutte contre le terrorisme. À ce jeu, l'État de droit est de plus en plus menacé par les restrictions qu'il apporte aux droits fondamentaux sur lesquels il repose.

Soyons clairs : il ne s'agit pas de soupçonner chaque mesure antiterroriste de mettre l'État de droit en danger ; nous admettons naturellement que des circonstances exceptionnelles appellent des mesures exceptionnelles. Cependant, nous nous méfions de toutes les justifications fondées sur le caractère exceptionnel d'une situation, en raison des risques de dérive vers des pratiques contraires à l'État de droit.

Or c'est au nom de cette logique que la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, ou LAT, prévoyait l'accès facilité aux fichiers, le contrôle des déplacements, le développement de la vidéosurveillance ou l'augmentation des peines de prison. On nous demande aujourd'hui de prolonger l'application de trois de ses articles, pourtant présentés à l'époque comme des mesures exceptionnelles visant à faire face au niveau élevé de la menace terroriste. Ces dispositions, qui interfèrent directement avec l'exercice des libertés publiques et des droits fondamentaux, avaient en effet été adoptées à titre temporaire, afin que le législateur puisse en évaluer la pertinence à l'issue d'une période d'expérimentation qui devait prendre fin le 31 décembre 2008. La proposition de loi de M. Haenel tend à prolonger leur application pour quatre années supplémentaires, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2012.

Permettez-moi tout d'abord quelques remarques de forme. Si la clause de rendez-vous fixée au 31 décembre 2008 a été respectée, il est regrettable que le Gouvernement se soit défaussé de sa responsabilité et n'ait pas lui-même pris l'initiative de saisir le Parlement afin de réexaminer et d'évaluer des dispositions aussi fondamentales concernant la sécurité et les libertés publiques. Comment interpréter ce dessaisissement ? Est-il dû au fait que le Gouvernement n'a pas respecté l'obligation de déposer les rapports annuels d'évaluation de la LAT, obligation prévue à l'article 32 ? En effet, nous ne disposons aujourd'hui que d'un rapport d'information, publié le 5 février 2008 par deux députés. Quelles qu'en soient les qualités, il ne saurait suffire à évaluer les résultats de l'expérimentation autorisée par la LAT et l'efficacité de ses dispositifs.

Dès lors, est-il bien sérieux de demander à la représentation nationale de se prononcer sur la prorogation pour quatre années supplémentaires – ce qui n'est pas rien – d'un dispositif exceptionnel qui affecte les libertés publiques, en l'absence d'une évaluation précise de ses effets et de ses résultats ?

Au-delà de ces remarques de forme, on peut s'interroger sur le bien-fondé des mesures exceptionnelles et provisoires adoptées en 2006. En effet, les articles 3, 6 et 9 de la loi du 23 janvier 2006 sont loin d'être insignifiants : ils ont trait aux contrôles d'identité sur les lignes ferroviaires internationales, à la communication de données, à l'identification ou à la connexion à des services de communications électroniques, ainsi qu'à l'accès direct à des fichiers.

Ainsi l'article 3 n'a-t-il pas pour unique objet de prévenir ou de réprimer le terrorisme, mais s'inscrit dans le cadre général des contrôles d'identité destinés à compenser la suppression des contrôles aux frontières intérieures de l'espace Schengen. Les dispositions qu'il contient servent en fait essentiellement à lutter contre l'immigration clandestine. Depuis avril 2008, 155 des 254 interpellations qui ont eu lieu dans le prolongement de la frontière franco-allemande, soit deux tiers d'entre elles, concernaient des étrangers en situation irrégulière.

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