Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Delphine Batho

Réunion du 20 novembre 2008 à 15h00
Lutte contre le terrorisme et contrôles frontaliers — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le terrorisme est une menace majeure face à laquelle une meilleure protection de la sécurité de nos concitoyens doit impérativement être recherchée. Il est indéniable que la France reste exposée à cette menace désormais protéiforme et planétaire.

Tout d'abord, je voudrais rendre hommage au travail et au professionnalisme des hommes et des femmes de nos services de renseignement qui sont en première ligne dans la prévention et la lutte contre le terrorisme.

Face à cette menace, le groupe socialiste a toujours été favorable à l'amélioration et à l'adaptation des outils juridiques, notamment au regard de l'évolution rapide des modes opératoires des réseaux terroristes. La démocratie doit assumer, en toute transparence, les pouvoirs qui lui sont donnés pour prévenir et empêcher des attentats. Mais cette conviction s'accompagne de deux exigences.

La première, c'est le refus d'une fuite en avant dans le tout technologique, alors que la force du modèle français de prévention et de lutte contre le terrorisme est fondée sur la qualité d'un travail de renseignement humain. Nous disposons d'un arsenal juridique préventif qui est l'un des plus avancés du monde, ainsi que d'un modèle fondé sur le renseignement humain – s'informant, traquant, prévenant en amont l'acte terroriste – qui a fait la preuve de son efficacité, même si, nous le savons bien, rien ne peut nous mettre complètement à l'abri du risque d'un attentat. Nous considérons que la particularité et l'originalité du modèle français doivent être préservées.

Notre seconde exigence, majeure, c'est le refus de lois d'exception. Nous avons la conviction que c'est par la démocratie, par l'État de droit et par la confiance dans nos valeurs républicaines qu'il faut combattre ceux qui veulent semer la peur et la terreur dans nos démocraties.

Le combat contre le terrorisme n'est pas qu'une affaire de techniques policières. C'est un combat politique, un combat de valeur, qui oppose non les civilisations, encore moins les religions, mais l'universalité de la démocratie, d'un côté, et le fanatisme, le totalitarisme et le fondamentalisme, de l'autre. La meilleure réponse aux attentats, ce n'est pas d'adopter un PATRIOT Act. Le nouveau Président élu des États-Unis, Barack Obama, l'a parfaitement compris, qui a annoncé sa décision de fermer Guantanamo pour affirmer que les États-Unis luttent contre le terrorisme, mais certainement pas en pratiquant la torture parce que chaque entorse à l'État de droit, chaque loi d'exception fournissent un argument de recrutement au djihadisme.

Préserver et améliorer le modèle français de prévention des attentats, améliorer nos outils dans le cadre du strict respect de l'État de droit, voilà comment l'opposition conçoit sa responsabilité face à la menace terroriste.

C'est cet esprit de responsabilité qui, en 2005, nous a amenés à ne pas nous opposer au projet de loi – devenu la loi du 23 janvier 2006 – que le gouvernement avait présenté après les attentats de Londres. Nous étions d'accord avec certaines dispositions de cette loi, mais nous nous sommes abstenus pour deux raisons principales. Tout d'abord, nous aurions souhaité qu'un texte d'une telle importance soit exclusivement consacré à la lutte contre le terrorisme. Or diverses mesures qui n'étaient pas directement liées à cet objectif avaient été introduites dans ce texte, induisant une confusion des finalités.

Je pense, par exemple, aux dispositions relatives aux contrôles frontaliers qui visent, à n'en pas douter, à lutter contre l'immigration clandestine. Nous avions demandé avec insistance à votre prédécesseur, madame la ministre, qu'il ne soit pas fait d'amalgame entre le terrorisme et l'immigration.

Cet amalgame est inacceptable et dangereux, car il jette la suspicion sur nos compatriotes immigrés qui sont ici chez eux. Et, s'il faut prendre des mesures pour lutter contre l'immigration irrégulière, celles-ci n'ont rien à faire dans une loi sur le terrorisme.

Cet amalgame procède aussi d'une erreur d'analyse de l'évolution de la menace à laquelle nous sommes confrontés. Nous le savons bien – et les attentats de Londres l'ont montré –, la menace ne vient plus seulement de l'extérieur. C'est celle d'un terrorisme endogène, avec des cellules autonomes aux recrutements locaux. C'est sur ce modèle de recrutement endogène que fonctionne la nébuleuse Al-Qaida.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion