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Intervention de Marc Le Fur

Réunion du 4 novembre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Administration générale et territoriale de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan :

Monsieur le président, madame la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, mes chers collègues, il me revient de rapporter, au nom de la commission des finances, le budget de l'administration générale et territoriale de l'État. Ce budget connaît une baisse sensible et logique, puisque ce sont les orientations souhaitées, et que je partage. Les autorisations d'engagement diminuent de 5,3 % et la baisse des crédits de paiement – de 1,3 % – est donc moins marquée. Le budget total s'élève à environ 2,6 milliards d'euros.

Ces baisses s'expliquent par plusieurs facteurs. Le périmètre de la mission évolue d'une façon non négligeable, puisque l'on assiste – et ce sera l'un des points centraux de mon propos – à une débudgétisation de la fonction « titres ». Une moindre activité électorale est attendue en 2009, ce qui est bien compréhensible. Nous avons eu, cette année, deux élections et demie, car les élections sénatoriales sont nettement moins coûteuses que les élections municipales et cantonales. Enfin, la réduction des effectifs est plus sensible que dans le reste de la fonction publique, puisque nous comptons trois non-remplacements pour quatre départs. C'est conséquent, puisque cela représente une diminution des effectifs de 2 100 personnes sur trois ans.

Je comprends, madame la ministre, que cette évolution soit nécessaire et je ne rencontre aucun problème philosophique à cet égard. Il convient d'avoir un État plus maigre, plus efficace, plus présent, et de faire mieux avec des moyens certes plus limités. C'est une demande de nos concitoyens.

Je vous ferai malgré tout part de deux observations. J'aurais, tout d'abord, souhaité que cette baisse des effectifs soit plus équitablement répartie et qu'elle se traduise également pour les administrations centrales et pour les administrations déconcentrées. En effet, les administrations centrales – et c'est le travers de leurs arbitrages – sont plus protégées, ce que je regrette. S'agissant, ensuite, de l'évolution indemnitaire et indiciaire, nous notons un véritable retard du ministère de l'intérieur, retard que vous avez entrepris d'atténuer l'an dernier, ce dont je m'étais félicité à cette tribune. Je constate, avec regret, que ce nécessaire combat est aujourd'hui ralenti. L'effort plus conséquent fourni par les personnels, du fait de la baisse des effectifs, doit avoir pour contrepartie une reconnaissance financière, en termes indemnitaires ou indiciaires.

Un des chapitres importants de ce budget pour 2009 concerne, bien évidemment, l'évolution d'un certain nombre de titres avec, en particulier, le démarrage du système d'immatriculation à vie des véhicules automobiles. Cette mesure, essentielle et tout à fait conséquente, souhaitée par les usagers, leur simplifiera la vie, puisqu'ils n'auront plus à remplir de multiples formalités administratives, ce dont je me réjouis. Il y a eu l'épisode bien connu des numéros minéralogiques, ce qui ne me passionne pas, car la nostalgie peut, selon moi, se situer ailleurs. Vous êtes parvenue à un arbitrage satisfaisant. Le numéro devra figurer sur la plaque d'immatriculation, mais l'administré pourra choisir – et en changer, s'il le désire – le territoire, département et région correspondante, avec lequel il éprouve des affinités. Il pourra ainsi exprimer son attachement psychologique en faveur de tel ou tel département. Voilà des évolutions qu'il convient de prendre en compte.

La mise en place des passeports biométriques est une obligation internationale, car il est indispensable de combattre la fraude. J'ai noté avec satisfaction que, le 31 octobre dans l'Oise, vous avez délivré le premier passeport. Je m'inquiète toutefois de l'exigence quant aux délais qui nous sont impartis. Le 28 juin 2009, l'intégralité des passeports devra être délivrée selon la nouvelle formule. Nous devrons être prêts, ce qui n'est pas si évident. La carte des communes est en train de s'élaborer. Il y a certes un discours général, mais, dans les cas particuliers, les maires sont bien souvent volontaires, parce qu'ils constatent que c'est un avantage pour les usagers. J'espère donc que nous tiendrons les délais. Je regrette, madame la ministre, et nous nous en sommes souvent entretenus, que ne soit toujours pas inscrit à l'ordre du jour de nos travaux le projet de loi sur la protection de l'identité qui doit donner à la carte d'identité électronique une existence légale. La carte d'identité doit bénéficier, elle aussi, de cette évolution technologique nécessaire. L'évolution en matière de passeport est inutile si elle ne concerne pas la carte nationale d'identité, chacun en conviendra.

L'autre chapitre essentiel de ce budget intéresse la réorganisation de l'administration territoriale. La circulaire du 7 juillet est, en cela, extrêmement précise. Le premier arbitrage a consisté en la réaffirmation du rôle prédominant joué par le préfet de région. Désormais, il aura autorité, pour l'essentiel, sur le préfet de département. Il fallait en finir avec cette relative ambiguïté. Le second tend à simplifier l'organisation des services déconcentrés : les directions régionales passeront de trente à huit. La direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, par exemple, remplacera la direction générale de l'équipement que nous connaissions. Ce sont des évolutions nécessaires qu'il conviendra d'expliquer.

En tant que rapporteur spécial, et je vous le dis solennellement, je souscris à l'essentiel des évolutions que vous avez portées, madame la ministre, mais je constate, hélas, qu'elles se sont faites sans consultation aucune de la représentation nationale. Nous sommes également concernés par les affaires d'État : il nous aurait donc semblé utile que les autorités ministérielles ou préfectorales nous associent à cette évolution au niveau national, régional et départemental. Peut-être y a-t-il des exceptions dans cet hémicycle, mais, pour ma part, et je pense que c'est le cas de la majorité de mes collègues, je n'ai été en rien associé. Nous aurions au moins pu être informés.

Il conviendrait aussi de mutualiser les moyens au niveau départemental. Notre État est encore trop dispersé. Il doit devenir possible de répondre à la simple question : « Quel est le numéro de téléphone de l'État dans le département ? » Ce numéro doit être celui de la préfecture centralisant, dans un seul standard, toutes les administrations étatiques. Il existe en effet encore aujourd'hui des standards téléphoniques dans les différentes directions, tout comme on compte toujours des locaux distincts. Quand tout cela sera-t-il rassemblé sous l'autorité normale, naturelle et désormais admise du préfet ? Ces évolutions sont en cours, mais des efforts doivent encore être consentis.

Le sujet des sous-préfectures a mobilisé nombre de nos collègues. Vous avez décidé que, dès 2009, une quinzaine de sous-préfectures seraient confiées à des conseillers d'administration. La liste est assez longue, puisqu'elle comporte 115 sous-préfectures. Je ne doute pas de la compétence de ces conseillers d'administration, qui sont capables d'assumer parfaitement ces tâches, mais je crains qu'ils ne soient, demain, placés dans une situation quelque peu délicate. Ils devront en effet expliquer en permanence qu'ils jouent le rôle du sous-préfet, qu'ils en ont l'autorité, sans pour autant disposer du véhicule et du logement. Ce ne sont que des apparences, mais elles jouent dans la vie publique. De plus, je constate, pour en avoir discuté avec un certain nombre de nos collègues, qu'un certain nombre de maires seront dans des situations difficiles. Peut-être est-ce quelque peu psychologique, mais certains y verront, malgré tout, une difficulté en termes de hiérarchie pour leurs villes, naguère sous-préfectures, qui le resteront sans le rester. Le coût politique de cette évolution est réel pour une économie de moyens très faible. C'est pourquoi d'autres solutions auraient sans doute pu être envisagées.

Je souhaiterais pour ma part que votre ministère soit porteur d'une véritable réflexion sur les services publics. Nos concitoyens et les élus ont parfaitement conscience que des évolutions sont nécessaires à la condition qu'elles ne soient pas décidées ministère par ministère, comme dans une logique de tuyaux d'orgue, aboutissant à des décisions négatives toujours pour les mêmes communes. Ces évolutions peuvent s'avérer redoutables et considérables, par exemple lorsqu'une ville moyenne perd un jour son tribunal et un autre son régiment. Une synthèse gouvernementale, donc à votre niveau, madame la ministre, est indispensable. Il faut prendre ce dossier à bras-le-corps. Cela ne relève pas directement de l'aménagement du territoire au sens ministériel du terme, mais il s'agit de l'aménagement de l'État dans le département. Le ministère de l'intérieur y a toute sa place.

Les sous-préfectures vont évoluer. Quelles seront leurs compétences demain ? Les titres, on l'a bien compris, seront de plus en plus organisés au niveau national. L'ANTS, située à Charleville-Mézières, sera destinée à les sécuriser. Il y aura des transferts d'informations électroniques. Que restera-t-il des sous-préfectures ? Elles ont un rôle très conséquent à jouer dans le domaine des relations avec les collectivités locales. Je prendrai un exemple d'actualité. Chacun a entendu parler des emprunts toxiques et chacun mesure les responsabilités prises par les maires qui ont engagé leurs communes dans de tels emprunts. Loin de moi l'idée de dédouaner ces élus, loin de moi également l'idée de dédouaner les banques qui ont offert de tels produits aux collectivités – et je pense en particulier à Dexia. Il n'en demeure pas moins que l'on peut s'interroger sur le rôle qu'auraient dû jouer les sous-préfets et les préfets dans ce domaine. L'administration préfectorale n'a certes pas les moyens juridiques de contrôler la validité des emprunts contractés par les collectivités territoriales, mais, sauf erreur de ma part, les préfets et sous-préfets, tout comme les comptables publics, auraient pu, malgré tout, informer et alerter. Je n'ai pas d'exemple concret d'informations et d'alertes dans ce domaine. Il y a là, quelque part, une petite défaillance de l'État. C'est d'ailleurs paradoxal, parce que, d'un côté le contrôle de légalité se montre extrêmement tatillon, lorsqu'il s'agit de l'évolution indiciaire touchant un personnel de catégorie C et, de l'autre, il ignore totalement des sujets majeurs comme les contrats touchant aux emprunts locaux. Voilà des éléments d'interrogation quant au contrôle de légalité sur lesquels je me permets de revenir.

Je m'interroge également sur les sous-préfectures et sur les préfectures quant à l'inégalité des personnels. Les taux d'encadrement, cela figure dans mon rapport, sont encore très inégaux entre départements. Il y a, à l'évidence, un tropisme méridional que l'on connaît bien dans les administrations, mais qui atteint là certains records. Je mets à part les départements ultramarins et insulaires où l'on peut comprendre qu'il y ait proportionnellement plus d'agents locaux. Je constate cependant qu'il y a un rapport de un à deux entre des départements de l'ouest très défavorisés en matière d'encadrement dans les préfectures et des départements comme la Marne, la Meuse ou la Corrèze, qui connaissent des taux d'encadrement très élevés. Il faut vraiment, d'autant plus quand on parle de baisse d'effectifs, progresser et introduire davantage de justice dans la répartition des personnels entre les différentes préfectures.

Un autre programme d'importance de ce rapport concerne la propagande électorale. Celle-ci coûte cher, vous le savez, madame la ministre. Le coût des documents eux-mêmes et de leur distribution est à peu près de l'ordre 50 millions d'euros pour une élection. Et quel gâchis de papier cela représente ! Nous nous réunissons parfois ici pour parler de développement durable et, à côté, on continue à organiser une propagande selon des moyens devenus aujourd'hui anachroniques. J'ai proposé dans une proposition de loi, que j'ai souvent évoquée avec vous, madame la ministre, de permettre à nos concitoyens de choisir. Certains sont « branchés » et informeront les administrations qu'ils n'ont plus besoin de cette documentation « papier », d'autres, en revanche, la conserveront. Il est vrai que c'est plus facile à dire qu'à faire parce que le système est compliqué. Il n'existe même pas, en effet, aujourd'hui, dans notre droit, de fichier national ou départemental des électeurs. Mais les électeurs nous ont désignés et mandatés pour résoudre des problèmes compliqués.

Voilà les quelques éléments que je voulais vous présenter. Ce budget est important, car il entraînera des évolutions très sensibles dans le quotidien de nos concitoyens en raison de l'évolution des titres d'identité. Il traduit aussi la volonté d'organisation de l'État. Il demeure quelques lacunes, quelques difficultés que je me suis permis de mettre en avant, mais cela n'empêche pas la commission des finances et votre rapporteur de manifester son adhésion à l'adoption des crédits qui nous sont proposés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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