Monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de règlement définitif du budget 2006 contient deux éléments porteurs d'enseignements.
Si l'on jette un regard rétrospectif sur plusieurs exercices, on s'aperçoit que l'évolution que nous connaissons depuis 2005-2006 est historique. Pendant trente ans, toutes majorités confondues, on a voté des lois de finances puis des lois de règlement déficitaires, ce qui a eu pour effet d'accroître considérablement le niveau de la dette. Or, en quatre exercices, le déficit d'exécution est passé de 50 milliards d'euros en 2002 à 36 milliards, en dépit, comme cela a été rappelé, d'un taux de croissance très faible, compris entre 1,5 et 1,7 %, ce qui rend l'effort d'assainissement des comptes d'autant plus louable. Pour la première fois depuis 2001, l'équilibre primaire est atteint. Nous abordons donc cette nouvelle législature sur des bases beaucoup plus saines qu'en 2002.
Cela m'amène à évoquer le second élément porteur d'enseignements : la sincérité des estimations et des exécutions. Les comptes de 2001 et 2002 avaient été marqués par un décalage entre l'exécution et la prévision : l'exercice 2001 fut exécuté avec un déficit supérieur de 4 milliards d'euros aux prévisions de la loi de finances initiale, l'exercice 2002 avec un déficit qui les excédait de près de 20 milliards. À partir de 2004, le phénomène s'inverse : 11 milliards de moins que les prévisions en 2004, 4 milliards en 2005 et de nouveau 11 milliards en 2006. Ainsi a-t-on réussi à sécuriser la loi de finances initiale et à faire en sorte que la loi de règlement n'apporte que de bonnes surprises – certes d'une ampleur variable. Je le souligne à la suite de M. le rapporteur général : c'est un vrai changement, imputable au primat de la norme d'évolution des dépenses.
C'est le premier enseignement : on a cessé de raisonner en termes de niveau de déficit souhaitable pour ne considérer que l'autorisation parlementaire de dépense – au respect de laquelle le Gouvernement s'est astreint. Il s'agit d'un vrai changement culturel, bénéfique non seulement pour l'assainissement des finances publiques, mais aussi pour la démocratie en général, puisque la première manifestation du respect dû au Parlement, c'est de ne pas dépasser le niveau de dépenses autorisé chaque année aux diverses administrations d'État.
Ce primat de la norme de dépense n'a pas nui pour autant au dynamisme des politiques publiques. J'en veux pour preuve les redéploiements importants qui, dans le strict respect de cette norme, ont été réalisés au profit de la politique de la ville en 2005 avant de porter leurs fruits l'année suivante. De même, en 2006, le plan de cohésion sociale a bénéficié de plusieurs modifications qui ont permis d'atteindre des records historiques en matière de construction de logements et de financer le programme favorisant l'entrée dans la vie active de 50 000 jeunes peu qualifiés issus des quartiers sensibles – toujours dans le respect de la norme de dépense. L'affectation des surplus fiscaux permet de conserver une bonne réactivité aux politiques publiques.
Deuxième enseignement : M. le président de la commission des finances l'a très justement rappelé, la loi organique relative aux lois de finances – la LOLF – peut, au-delà des clivages politiques, nous permettre de travailler en bonne entente entre majorité et opposition, comme l'ont prouvé sa conception et sa mise en oeuvre – dans lesquelles M. le président Migaud a joué, et continue de jouer, un rôle majeur. Il faut avoir la sagesse de continuer dans cette voie, pour le travail des rapporteurs spéciaux, pour celui, à poursuivre, des agents des directions centrales et des administrations déconcentrées – qui apportent une contribution essentielle à la mise en oeuvre pleine et entière de la loi organique sur le terrain – et, bien sûr, pour l'exercice de la mission de contrôle du Parlement. La Cour des comptes et le président de la commission des finances ont ainsi envisagé de revoir certaines nomenclatures afin de les rendre plus simples et mieux adaptées à la conduite des politiques publiques. Ce chantier va certainement nous retenir pendant plusieurs années encore, et seul l'investissement des parlementaires permettra à la loi de règlement de devenir un rendez-vous de plus en plus important, garant de la sincérité budgétaire et de la conformité de nos finances publiques. Le Gouvernement n'est pas le seul à devoir faire des efforts : il incombe aussi au Parlement d'organiser ses débats et ses travaux pour relever ce défi si estimable et hautement républicain, qui suppose de savoir dépasser les querelles partisanes et les logiques de groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)