Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, le véritable objectif de ce texte est d'obliger les demandeurs d'emploi, notamment les plus fragiles, à accepter les emplois dont personne ne veut, car trop précaires ou trop mal payés. Il s'agit malheureusement de la majorité des offres disponibles à l'ANPE. S'ils refusent, on les radiera de la liste, ce qui permettra d'améliorer les statistiques, et on suspendra leur indemnité de chômage, ce qui permettra de récupérer de l'argent à l'UNEDIC, soit pour diminuer les cotisations patronales, soit pour renflouer les autres comptes sociaux déficitaires – je crains, malheureusement, que les deux ne se produisent.
Cette politique va aggraver la dualisation du marché du travail : aux uns les heures supplémentaires, aux autres les bad jobs. Elle relève d'une idéologie néolibérale qui vise à réduire à tout prix le coût du travail, quitte à briser les acquis sociaux, et qui est en train d'échouer partout parce qu'elle est inefficace dans le cadre de la mondialisation. S'engage ainsi un cycle de paupérisation croissante d'une partie des salariés : c'est l'explosion du nombre de travailleurs pauvres.
Pourtant, une autre politique est possible.
Tout d'abord, il conviendrait d'organiser un Grenelle des salaires, plutôt que de multiplier les expédients afin de maintenir le pouvoir d'achat – sans succès d'ailleurs puisque la consommation des ménages continue de baisser.
Ensuite, on pourrait utiliser les excédents de l'UNEDIC pour construire une véritable sécurisation des parcours professionnels – dont vous ne parlez plus –, assurer un meilleur accompagnement des demandeurs d'emploi, notamment des publics les plus fragiles, améliorer l'indemnisation pour éviter les effets de déclassement, augmenter, comme le réclame l'économie de la connaissance, la qualification et les compétences des salariés, et non enclencher un processus de déqualification des demandeurs d'emploi, qui seront obligés d'accepter cette déqualification à travers le PPAE.
Pourtant, la généralisation du PPAE pourrait être une bonne chose si le nouvel opérateur avait la capacité de le faire. Hélas, malgré mes demandes répétées, nous ne savons toujours pas la nature juridique du PPAE. Il sera, semble-t-il, contractualisé et signé, mais ce ne sera pas un contrat. Il sera obligatoire, mais tout le monde n'en profitera pas. Qui choisira les bénéficiaires ?
En outre, en soumettant au PPAE les primo-demandeurs et les seniors, vous les incluez ipso facto dans le dispositif de l'offre raisonnable d'emploi et du décompte. Pourtant, les primo-demandeurs ne touchent aucune indemnité : plutôt que de les soumettre à un compte à rebours, il faudrait les aider à valoriser leurs diplômes et leurs compétences pour qu'ils puissent acquérir une expérience.
Quant aux seniors, ils passeront d'un coup de la dispense de recherche d'emploi au contrôle renforcé. Alors qu'il faudrait se montrer incitatif vis-à-vis des employeurs, vous faites le choix d'être coercitifs avec les chômeurs.
Faut-il voir sur la question des primo-demandeurs d'emploi les prolégomènes d'une absorption des missions locales dans le nouvel opérateur ? Je me félicite toutefois que nous ayons adopté tous ensemble l'excellent amendement de Martine Billard qui suspend le décompte pendant les temps de formation professionnelle. Voilà une mesure simple, incitative à la formation et qui, de surcroît, ne coûte rien – ce qui fera plaisir à tout le monde !
Ainsi, contrairement à ce qu'on peut lire dans la presse, le travail de l'opposition existe et est pertinent. J'en veux pour preuve le fait que, comme M. le secrétaire d'État l'a reconnu à l'instant, ce travail a amené le Gouvernement à rédiger de nouveau l'article 1er en vue de préciser que l'offre raisonnable d'emploi ne peut pas être inférieure au SMIC ni être un temps partiel si ce n'est pas stipulé dans le PPAE. Toutefois, l'actualisation du PPAE deviendra d'autant plus un bras de fer entre le demandeur d'emploi et les agents du nouvel opérateur qu'elle déclenchera le décompte, d'où la création d'un médiateur – une bonne chose à mes yeux. Mais telle est votre stratégie : mettre le système sous tension. Or il n'est pas prêt, étant en pleine réorganisation et ne disposant surtout pas d'offres suffisantes. Vous prenez ainsi le risque de le voir disjoncter.
Votre précipitation au coeur de l'été ne masquera pas le mauvais coup que vous portez non seulement aux chômeurs mais à l'ensemble des salariés.