Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 21 mai 2008 à 15h00
Modernisation des institutions de la ve république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, telle une chauve-souris – mi-oiseau, mi-souris – notre régime institutionnel est ambigu, de par sa nature mi-parlementaire, mi-présidentielle. Fin 2007, Édouard Balladur estimait que le renforcement des droits du Parlement, qui constitue l'essentiel des réflexions du comité, nous acheminait vers un régime présidentiel. L'éminent constitutionnaliste Jean Gicquel l'avait, lui, depuis longtemps, qualifié de « régime présidentialiste à la française ». En effet, dans le système français, le Président de la République est élu au suffrage universel, le Premier ministre est l'exécutant du Président – sauf cohabitation – et le fait majoritaire condamne à la « subordination » les députés de la majorité présidentielle et exclut le plus souvent l'opposition de la discussion productive quant aux mesures finalement adoptées.

À l'inverse, le régime présidentiel est fondé sur l'équilibre des pouvoirs et non sur leur subordination comme y aboutit le régime français. Ce n'est donc pas le régime présidentiel qui est envisagé, mais plutôt un régime présidentialiste redistribuant une infime partie du trop-plein des pouvoirs institutionnels de l'exécutif, qui n'ont plus de raison d'être du fait d'une majorité globalement disciplinée, d'une opposition contrainte, et de l'externalisation forte de la norme vers le Gouvernement et ses services.

Si elle comporte certaines avancées, cette réforme reste néanmoins aussi ambiguë que le régime qu'elle entend corriger. Je donnerai quatre exemples pour illustrer ce propos.

Le premier est celui de l'article 23 du projet, qui modifie le troisième alinéa de l'article 49-3. La nouvelle rédaction réserve son utilisation à un texte par session en plus des lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Cette procédure reste néanmoins possible dès la première lecture et peut même être utilisée concomitamment avec une demande d'habilitation législative ou de vote bloqué. De plus, s'agissant des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement garde la possibilité de les appliquer par ordonnance. Le progrès est ambigu et finalement très limité.

Le deuxième exemple est celui de l'article 13 du projet de loi, qui complète l'article 35 de la Constitution en précisant que « le Gouvernement informe le Parlement des interventions des forces armées à l'étranger ». Fort bien, mais au Royaume-Uni, l'extension des pouvoirs du Parlement avant toute intervention armée est en cours de discussion et l'actuel Premier ministre y a donné un accord de principe. On évoque ainsi l'institution d'une information préalable des membres des comités spécialisés et un vote après la discussion. Aux États-Unis, on fait valoir, pour justifier le vote du Congrès sur l'envoi de troupes, que le Président ne dépend pas des représentants dudit Congrès. Ici, le Parlement ne sera pas associé en amont, comme c'est le cas au Royaume-Uni, et ne votera pas après, sauf prolongation de l'intervention. Je rappellerai à titre d'exemple que les grandes opérations de la première guerre du Golfe n'ont pas duré plus de deux mois. Pourquoi ne pas prévoir un tel vote ?

Le troisième exemple d'insuffisance de la réforme réside dans le fait que rien n'est prévu pour endiguer le recours aux ordonnances, dont le Conseil d'État note qu'il est devenu le principal mode de législation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion