Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je ressens d'autant plus fortement l'honneur et la responsabilité de m'exprimer à cette tribune sur ce sujet majeur pour nos institutions – le projet de modernisation de la Constitution – que les circonstances de la vie ont voulu que je sois un pur produit de la Ve République : non seulement je suis né le mois même de sa promulgation en octobre 1958, mais j'ai également eu le privilège d'être sensibilisé dès mon plus jeune âge à l'action, tout d'abord, des deux premiers présidents de la Ve République, le général de Gaulle et Georges Pompidou, puis, dans des conditions encore plus exceptionnelles, à celle de leur successeur, qui contribua à son tour de façon majeure à l'évolution de la Constitution : en permettant la saisine du Conseil constitutionnel par soixante parlementaires, il donna des droits nouveaux à l'opposition et renforça le pouvoir de contrôle des formations non majoritaires du Parlement.
Chacun sait ici combien ces droits nouveaux ont été utilisés, ce qui démontre qu'il est toujours possible d'améliorer notre Constitution, dès lors qu'on en conserve les grands équilibres, ceux qui lui ont permis, en dépit des alternances, d'atteindre cette année son cinquantième anniversaire. Notre loi fondamentale a ainsi prouvé sa résistance au temps et sa capacité remarquable d'adaptation aux différents contextes politiques.
La volonté du Président de la République de procéder à une nouvelle modernisation de nos institutions est d'autant plus légitime qu'elle s'inscrit dans la continuité du débat pour l'élection présidentielle, durant lequel tous les candidats ont reconnu et proclamé la nécessité de faire évoluer la Constitution afin d'assurer un meilleur équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif.
Comme l'a fort justement souligné le Premier ministre, François Fillon, ici même hier soir, « la modernisation de notre démocratie sociale appelle celle de notre démocratie politique », et il est de notre devoir de répondre à cette attente de nos concitoyens, que Nicolas Sarkozy résumait ainsi dans son discours du 14 janvier 2007 : « La démocratie irréprochable, ce n'est pas une démocratie où l'exécutif est tout et le Parlement rien. C'est une démocratie où le Parlement contrôle l'exécutif et a les moyens de le faire. »
Cette attente est directement transposée dans le projet tel qu'il nous est présenté grâce à des mesures visant à améliorer l'organisation du travail de notre assemblée : il en est ainsi de la répartition plus harmonieuse de ses membres entre les différentes commissions permanentes. Qui peut croire en effet qu'on travaille efficacement au sein d'une commission de plus de 140 membres ? Il est nécessaire d'aller dans cette direction afin de donner toute son utilité au travail en commission, d'autant que l'exercice du droit d'amendement pourra désormais s'y exercer pleinement.
C'est tout naturellement le partage de l'ordre du jour qui, dans cette volonté de rééquilibrage des pouvoirs, constitue la principale avancée ; mais elle n'aura de sens et de valeur que si le Parlement dispose de moyens autonomes pour préparer les textes législatifs et pour évaluer leur impact – ce qu'a fort justement souligné Jean-François Copé, il y a quelques instants, à cette même tribune.
Mes chers collègues, il est aisé de le comprendre, ce projet représente une « chance historique de renforcer le pouvoir du Parlement », selon les termes du président de notre assemblée, Bernard Accoyer, puisqu'il permet au Parlement de disposer des moyens de contrôle et d'évaluation qui lui font, aujourd'hui encore, défaut.
C'est la raison pour laquelle, à l'occasion de cette révision de la Constitution, nous devons impérativement poser le principe de la création d'un Office parlementaire de contrôle de la dépense publique. En effet, si les électeurs nous confient cette mission de contrôle, c'est afin de s'assurer, comme l'a rappelé Charles de Courson en développant le principe de la « règle d'or », de l'effectivité de la lutte contre les déficits publics. C'est également une condition nécessaire résultant du partage de l'ordre du jour, afin que le Parlement dispose du moyen autonome d'évaluer l'impact des textes de loi qu'il proposera, et de ne pas dépendre des seuls chiffrages de l'administration, ce qui ne saurait être satisfaisant.
Pour conclure, cette réforme ne répondra pleinement à l'objectif consistant à renforcer les pouvoirs et la responsabilité du Parlement que si elle prévoit les moyens nécessaires à l'exercice de son pouvoir de contrôle en le dotant d'un tel office parlementaire. Ainsi, à l'issue de la modernisation de notre constitution, nous pourrons, comme nous le souhaitons tous, mieux exercer encore le rôle que nos concitoyens attendent de nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)