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Intervention de Jean-Claude Sandrier

Réunion du 21 mai 2008 à 15h00
Modernisation des institutions de la ve république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Sandrier :

Je ne le crois pas, et pour une bonne raison : ce qui a présidé à l'élaboration de ce projet de loi constitutionnelle, c'est d'abord la volonté très personnelle du Président de la République de pouvoir s'exprimer devant le Parlement – ce qu'aucun de ses prédécesseurs, pas même le général de Gaulle, n'avait souhaité –, ainsi que cette considération politico-philosophique du Premier ministre : « Commençons par renforcer le pouvoir du Parlement », ce qui, comme je l'expliquerai, n'est pas le cas, « pour aller, dans quelques années, vers la présidentialisation inéluctable du régime » – comme si, en politique, quelque chose pouvait être inéluctable ! Au total, c'est ce qui s'appelle voir les choses par le petit bout de la lorgnette !

J'insisterai sur trois points.

En premier lieu, les pouvoirs du Président de la République sortent renforcés de ce projet. Prendre la parole devant le Parlement, si ce n'est pas pour prononcer un – inutile – discours du trône, c'est nécessairement pour se livrer à une intervention politique visant à peser sur les choix du législateur, ce qui est bien dans le prolongement de tout ce qui s'est fait depuis cinquante ans pour renforcer la prééminence du Président de la République. C'est d'ailleurs confirmé par l'article 8, qui enlève au Gouvernement la responsabilité de la défense nationale – à moins que les tenants du statu quo à l'UMP ne l'emportent, mais cela ne changerait rien à la pratique actuelle !

Quant aux droits du Parlement, le mot « leurre » est celui qui qualifie le mieux ce texte : certains constitutionnalistes parlent même d'« hypocrisie ». Examinons en effet les articles qui constituent, en la matière, le coeur du projet.

D'abord, vous accordez à deux gendarmes la faculté d'opposer l'irrecevabilité législative à un amendement : au Gouvernement, ce qui était déjà le cas, ainsi qu'au président de l'assemblée saisie.

Ensuite, vous introduisez une nouveauté – qui n'est pas un pouvoir supplémentaire – en prévoyant l'examen en séance du texte adopté par la commission ; mais vous utilisez cette modification pour, dans l'article 18, multiplier les procédures « réellement simplifiées » et ouvrir la voie « à la fixation […] d'une durée programmée d'examen des textes » – selon les termes de l'exposé des motifs. Autrement dit, vous prenez prétexte de l'examen du projet en commission – qui a toujours eu lieu – et de la présentation du texte adopté par celle-ci pour réduire le temps du débat en séance plénière publique, ce qui ouvre la porte à l'inscription dans la Constitution d'une atteinte à la liberté du débat et à celle d'amendement. Cette régression est d'autant plus inacceptable que, comme cela a été souligné, elle sera pour l'essentiel codifiée par les règlements des assemblées, qui ne seront discutés qu'après le vote de cette révision constitutionnelle. Nous ne pouvons signer un tel chèque en blanc – ni sur cet article, ni sur aucun autre qui renverrait à une loi ou à un règlement ultérieur, accordant de surcroît un droit de veto à un Sénat issu du XIXe siècle. En réalité, votre préoccupation est davantage de gagner du temps que de renforcer le pouvoir de l'Assemblée.

Leurre aussi, ou plutôt hypocrisie, que la prétendue limitation de l'usage de l'article 49-3, dont on sait qu'il a pour fonction d'arrêter les débats. D'abord, cette procédure pourra continuer d'être utilisée pour les textes essentiels que sont les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale. Ensuite, le Gouvernement pourra, pour le surplus, y recourir une fois par session, ce qui revient à se caler sur la fréquence actuelle. Enfin, je viens de le rappeler, la multiplication des procédures simplifiées et la limitation de la durée d'examen des textes conduiront de facto à renforcer le dispositif actuel au profit du parti majoritaire à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Leurre encore, la modification des modalités de fixation de l'ordre du jour : aujourd'hui, le Gouvernement et la majorité fixent l'ordre du jour de l'Assemblée à raison de 97 % du temps de séance ; demain, ils le fixeront à raison de 92,5 %. Quel changement !

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