C'est au Gouvernement de maîtriser le cadre du budget, car c'est le cadre de son action.
Avec la LOLF, loi organique relative aux lois de finances, votée à l'unanimité le 1er août 2001, nous avons ouvert un espace de liberté, qui ne porte pas atteinte à ce pouvoir du Gouvernement. N'allons pas au-delà, mais utilisons tous les pouvoirs prévus par la loi organique, tant dans le contrôle que dans l'évaluation de l'efficacité de la dépense publique.
La troisième avancée emblématique est l'allongement des délais entre le dépôt du projet et son examen. Ici encore, un peu d'honnêteté est nécessaire. Qui ne s'est pas plaint des abus en la matière ? Il m'est arrivé de disposer de huit jours pour rapporter un texte, délai qu'aucun Gouvernement n'oserait imposer au Conseil d'État ! Ce sont de mauvaises conditions de travail, et la qualité de la loi s'en ressent nécessairement. Nous avons tous souhaité que cette question cruciale pour nos travaux soit résolue. Nous ne pouvons aller à l'encontre de ce dispositif, et, si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous ne pouvons que tous le voter.
Quatrième avancée, il est positif de donner au président de l'Assemblée un moyen d'invoquer le partage entre loi et règlement, alors qu'aujourd'hui, seul le Gouvernement peut rendre ce partage effectif. Il faudra d'ailleurs que le Conseil constitutionnel inverse un jour sa jurisprudence de 1982, qui empêche les parlementaires de demander l'application des articles 34 et 37. Après tout, pourquoi les parlementaires ne pourraient-ils pas invoquer la Constitution devant le Conseil constitutionnel ?
Enfin, la cinquième disposition emblématique est l'exception d'inconstitutionnalité, que l'on avait tenté d'introduire, une première fois en 1990, puis en 1993. Je souhaite que cette réforme aboutisse, même si, comme certains d'entre vous, je suis sceptique sur le rôle de filtre absolu confié ainsi au Conseil d'État et à la Cour de cassation.
Je conclurait avec deux questions.
Pourquoi réserver l'exception d'inconstitutionnalité aux lois postérieures à 1958, c'est-à-dire à l'existence du Conseil constitutionnel ? L'inverse eût été plus logique. Le risque d'inconstitutionnalité est d'autant plus grand qu'il n'y a pas de contrôle. Cette limitation n'a pas de justification.
Pourquoi, enfin, avoir supprimé la mission d'évaluation des politiques publiques du champ parlementaire ? Ici encore, on serait à contresens. Dieu merci, la commission des lois – grâce à son président et rapporteur, Jean-Luc Warsmann –, inspirée notamment par la commission des finances et par le groupe UMP, l'a rétablie, ce dont je ne peux que me féliciter.
Mes chers collègues, nous avons tous ressenti – et souvent, hélas, intégré – une sorte de sentiment d'impuissance parlementaire. Nos concitoyens en sont conscients ; ils nous le font savoir quand nous les rencontrons dans nos permanences et ils le manifestent aussi en se réfugiant dans l'abstention. Ils nous reprochent la mauvaise qualité des lois, leur changement incessant, leur complexité. Ils nous reprochent l'insuffisante profondeur du contrôle. Ils nous reprochent aussi, parfois, notre manichéisme.
Quant à nous, nous reprochons à tous les gouvernements, sans exception, un poids décisionnel trop fort et une insuffisance de dialogue, de mauvaises conditions de travail, d'excessifs pouvoirs de blocage. C'est à l'honneur de l'actuel Gouvernement que de proposer de changer ces habitudes détestables dont nos concitoyens sont las et dont nombre de collègues sont désabusés. Ce sera à l'honneur des assemblées, mes chers collègues, de saisir cette chance et de moderniser nos institutions pour que les citoyens, qui nous élisent et nous observent, s'y reconnaissent.
On dit souvent que les citoyens se désintéressent des institutions. Je ne le crois pas. Ils ont soif d'une démocratie active et renouvelée. Le grand gagnant de cette réforme n'est pas l'élu d'un camp ou d'un autre, c'est la démocratie, et son expression représentative, le Parlement. Au nom de tous les parlementaires, qui nous ont précédés depuis 1958, et qui ont exigé un renforcement du pouvoir législatif, je vous invite, mes chers collègues, à saisir l'opportunité historique de la réforme de nos institutions et à voter ce texte auquel le groupe UMP apporte son plein et entier soutien. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)