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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 21 mai 2008 à 15h00
Modernisation des institutions de la ve république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme les orateurs précédents, nous aurions beaucoup aimé participer à ce que l'on a appelé le pacte républicain car, ainsi que l'a souligné le Premier ministre, il ne s'agit pas d'une question de droite et de gauche, mais de contribuer ensemble à la revitalisation démocratique nécessaire à nos institutions.

Pourtant, lorsque l'on étudie attentivement votre texte, on est en droit de se dire, après avoir participé aux travaux de la commission des lois et à l'examen des amendements, et après avoir écouté la réponse du Gouvernement et de la majorité, que ce texte n'est qu'un faux-semblant, un leurre, une sorte de piège tendu à l'opposition. Les membres de la majorité nous ont d'ailleurs déjà expliqué que nous étions en train de manquer une occasion historique de refonder les institutions de la Ve République. Mais le projet de loi n'a rien d'une refondation : il propose uniquement des ajustements, de petits replâtrages. Au fond, vous prétendez rééquilibrer les pouvoirs entre exécutif et législatif, mais vous renforcez leur déséquilibre.

Puisque notre groupe ne dispose que de cinq minutes pour s'exprimer, je souhaite reprendre, pour l'illustrer rapidement, cette phrase devenue célèbre selon laquelle le Président préside, le Gouvernement gouverne et le Parlement parle. Il ne semble pas que le texte permette un renforcement des pouvoirs de contrôle et d'initiative du Parlement.

Prenons simplement les pouvoirs du Président de la République. Déjà, une loi scandaleuse de 2007 le rendait irresponsable devant la justice. Son pouvoir est encore aujourd'hui renforcé, notamment dans un domaine très important, sorte de domaine réservé : la défense. En effet, le Premier ministre, qualifié par le Président de la République, il y a quelques semaines, de « collaborateur », n'en aura plus la responsabilité mais devra se contenter de la mettre en oeuvre. Dans ce contexte, quel sera le rôle du Parlement ? Il sera simplement appelé à se prononcer pour savoir si, au-delà de six mois, une projection de troupes françaises à l'étranger doit être poursuivie. Il s'agit là d'une manière cavalière de traiter le Parlement et son pouvoir de contrôle en matière de politique étrangère.

Que dire, par ailleurs, de l'article 16 de la Constitution, que le projet ne fait pas disparaître ?

Que dire, également, des rapports entre le Parlement et le Président de la République dès lors que le chef de l'État pourra venir s'exprimer devant le Congrès ou devant l'une ou l'autre de ses assemblées ? Il faudrait rappeler que, en dépit de la coïncidence des quinquennats avec les législatures, le Président de la République n'est pas élu par l'Assemblée mais par le peuple. Par conséquent, on ne voit pas ce qu'il peut avoir d'important à dire en personne à l'Assemblée, en tout cas dans la mesure où il est irresponsable et qu'il ne peut pas être renversé par elle. Aussi, je ne comprends pas très bien cette espèce de tripatouillage qui ne vise qu'à donner le plaisir à l'actuel Président d'être le premier de la Ve République à pouvoir s'exprimer devant le Parlement, son intervention étant suivie d'un débat qui, de toute façon, ne se tiendra pas en sa présence et qui ne sera sanctionné par aucun vote. C'est tout simplement prendre l'Assemblée pour une sorte d'armée des ombres chargée de cautionner le bon plaisir du Président de la République.

Quant aux avancées prétendument destinées à renforcer les pouvoirs et la représentativité du Parlement, le projet recèle un vice essentiel : le scrutin proportionnel n'a pas été constitutionnalisé. Nous sommes plusieurs familles politiques à savoir que notre représentation ici n'est pas en rapport avec ce que nous sommes dans la société, avec les idées que nous y développons et avec le rôle que nous y jouons. Nous savons bien que nous sommes sous-représentés, que le Parlement n'est pas à l'image de la diversité sociale et politique du pays. Or tant que la proportionnelle ne sera pas instaurée d'une manière aussi sensible qu'en Allemagne, par exemple, nous pourrons dire de ce Parlement qu'il n'est pas représentatif.

Par ailleurs, le texte ne renforce pas beaucoup les pouvoirs de contrôle du Parlement puisque vous n'avez pas accepté les amendements visant à accroître le contrôle de l'opposition s'agissant, notamment, de faire aboutir des commissions d'enquête.

Ceux qui m'ont précédé à cette tribune ont évoqué l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, dont la réforme proposée n'est évidemment qu'un leurre puisque, si l'on considère les dernières législatures, on constate que cette disposition n'a été utilisée par les précédents Premiers ministres qu'une seule fois en dix ans.

Votre Constitution est donc toujours aussi peu citoyenne…

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