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Intervention de Serge Blisko

Réunion du 9 janvier 2008 à 21h30
Rétention de sûreté et déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Blisko :

Je situerai mon intervention sur un autre plan que mes collègues juristes. Depuis l'Antiquité, on n'a jugé les irresponsables – disons les fous – qu'à de rares moments de l'histoire humaine, estimant qu'ils étaient déjà suffisamment punis par leur folie, qui les retranche du reste de la société, pour ne pas y ajouter une autre peine quand ils contrevenaient aux lois de la cité. Depuis deux cents ans, tout notre appareil judiciaire n'a fait que confirmer ce principe.

Une évolution est intervenue récemment, et nous pouvons nous interroger, en présence des deux ministres, sur les difficultés d'application de l'article 122-1 du code pénal. C'est dans la différence complexe entre l'abolition totale du discernement et son altération que réside la véritable difficulté, puisque c'est ce qui fait que des personnes malades peuvent ou non être condamnées. Sans rappeler tout ce qui a été dit à ce sujet depuis hier, il y a là un vrai problème.

Je ne conteste pas qu'il faille refuser le terme de non-lieu et je fais miennes les observations de mes collègues à ce sujet. Je pense par ailleurs que le sort des deux cents personnes qui bénéficient chaque année des dispositions relatives à l'abolition complète du discernement ne pose pas réellement problème. Leur sort est réglé, puisqu'elles sont hospitalisées d'office.

En revanche, j'éprouve une véritable angoisse en ce qui concerne toutes les personnes qui relèvent de l'atténuation de la responsabilité. Je pense, comme Jean-Paul Garraud, que les évolutions en ce domaine se font par le droit, mais aussi en fonction de la situation de la santé publique. Ainsi, alors que nous étions autrefois confrontés aux problèmes causés par l'alcool, nous devons aujourd'hui faire face au développement de drogues dures comme le crack, qui provoque des flashes meurtriers. Je pense aussi à ces impulsions subites souvent liées à des carences affectives éducationnelles que certains cherchent à compenser par la consommation de ces toxiques. Que disent alors les jeunes une fois qu'ils sont passés à l'acte : « Il m'a regardé, je n'ai pas supporté son regard, je n'ai pas aimé sa réflexion, je n'ai pas supporté qu'il existe ! ». L'autre est ainsi vécu comme extrêmement dangereux : la plupart des gens qui tuent, y compris les schizophrènes,le font parce qu'ils ont peur des autres et non parce qu'ils veulent tuer.

Nous sommes au coeur d'un profond débat anthropologique : sommes-nous sûrs qu'il n'y a pas plus de deux cents criminels incapables de distinguer le bien du mal – pour reprendre des termes simples qu'on entend beaucoup, en particulier dans certains pays ? En effet, celui qui sait distinguer le bien du mal, même après un moment de colère, peut être puni. Mais les personnes qui ne peuvent faire cette distinction n'y arriveront jamais, ou seulement après de très longues années de travail qui doivent commencer bien avant le centre de rétention. Il faut que nous soyons extrêmement attentifs à cette question.

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