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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 9 janvier 2008 à 21h30
Rétention de sûreté et déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Par cet amendement – de principe –, nous proposons de supprimer l'alinéa 8 de l'article 1er, car il contient deux éléments qui nous posent problème. Le projet du Gouvernement prévoit une peine d'enfermement qui, parce qu'elle est renouvelable, pourra être à vie. Selon le rapporteur, il ne s'agit ni d'une peine d'emprisonnement ni d'une hospitalisation, mais d'une mesure de sûreté dont la nature est indéterminée. S'il est difficile de qualifier de « peine » la mesure de sûreté, c'est parce qu'une peine doit répondre, dans notre droit, à des principes de légalité des délits – impliquant notamment la non-rétroactivité –, de proportionnalité et de nécessité de la sanction.

La ministre et le rapporteur s'appuient sur le fait que le Conseil constitutionnel a considéré que ne constituaient pas des peines des mesures de lutte contre la récidive, comme le fichier judiciaire ou le placement sous surveillance électronique mobile, qui ont été ordonnées au titre de la surveillance judiciaire. C'est ignorer les motivations du juge constitutionnel que d'appliquer les conclusions de sa décision du 8 décembre 2005 à ce cas d'espèce.

En effet, le Conseil constitutionnel a estimé que la surveillance judiciaire est limitée à la durée des réductions de peine dont bénéficie le condamné ; qu'elle constitue ainsi une modalité d'exécution de la peine qui a été prononcée par la juridiction de jugement ; que la surveillance judiciaire, y compris lorsqu'elle comprend un placement sous surveillance électronique mobile, est ordonnée par la juridiction de l'application des peines ; qu'elle repose non sur la culpabilité du condamné, mais sur sa dangerosité ; qu'elle a pour seul but de prévenir la récidive ; qu'ainsi, la surveillance judiciaire ne constitue ni une peine ni une sanction. Pour notre part, nous estimons qu'une mesure restrictive de liberté comme la rétention de sûreté, qui prévoit un régime d'enfermement similaire à celui d'un détenu, doit être assimilée à une sanction.

Par ailleurs, le concept, discutable, de la dangerosité est caractérisé par le risque particulièrement élevé de commettre à nouveau l'une des infractions graves énumérées. À ma connaissance, c'est la première fois qu'est introduite la notion de dangerosité dans la procédure pénale. Comme le rapporteur, j'ai profité de l'après-midi pour consulter certaines études, et je l'invite, ainsi que Mme la garde des sceaux, à relire la recommandation émise en septembre 2003 par le Conseil de l'Europe, qui insiste sur le fait que les travaux relatifs aux prédictions de comportements sont considérés comme aléatoires et que la notion de « dangerosité » est émotionnelle et dénuée de fondement scientifique. Partant d'une base aussi incertaine, il nous paraît délicat d'introduire cette notion dans notre procédure pénale. C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer l'alinéa 8 de l'article 1er.

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