Je crois utile de revenir, car c'est bien le coeur du débat, sur l'hospitalisation d'office. J'entends bien tout ce qui a été dit sur la récidive, mais il me semble que nous avons aussi la responsabilité collective d'éviter la première victime.
Il y a actuellement dans les hôpitaux psychiatriques français des personnes qui souffrent de graves troubles du comportement et qui ont été classées comme telles. Il y a un risque à dire à l'Assemblée nationale et dans le Journal officiel que le placement d'office n'est possible qu'en cas de maladie mentale reconnue – étiquetée – comme telle. Nous connaissons tous des cas de personnes souffrant de graves troubles du comportement et qui ont été placés à la demande d'un préfet ou d'un maire – je pense notamment à une personne placée à la demande de sa mère, qui est allée prévenir le maire qu'il allait y avoir un crime et qu'il fallait faire quelque chose. Il s'agit bien de troubles du comportement, d'une perversité qui a été considérée comme assez grave et dangereuse pour autrui pour qu'il y ait hospitalisation d'office. Ces personnes ne restent pas, il est vrai, dans les hôpitaux psychiatriques ordinaires. Dans les situations très graves, on peut décider de les acheminer vers Cadillac, Sarreguemines, Villejuif ou les quartiers de Cachan.
Or je crains qu'à force de dire que l'hospitalisation d'office n'est pas possible pour ce qu'on appelle des troubles du comportement et qu'il faut identifier la maladie mentale, ne se pose un problème pour ces personnes actuellement hospitalisées. L'hospitalisation d'office ne me semble pas être une atteinte à leur liberté. Au contraire, la dangerosité exprimée, vérifiée, et parfois même dite, la justifie pleinement. Il s'agit d'une protection pour eux-mêmes et pour la société et nous n'avons pas intérêt à déclarer qu'elle n'est possible que si la maladie est étiquetée. Je tenais à attirer votre attention, chers collègues, sur cette interprétation très stricte du texte.
Il serait contraire à la logique législative de citer des cas, mais telle est bien la situation que connaissent aujourd'hui ces hôpitaux, qui sont insuffisants. Certains psychiatres, qui connaissent bien le cheminement vers Cadillac, Sarreguemines ou Villejuif, savent qu'il est difficile de trouver des places, connaissent les difficultés des personnels et celles qu'éprouvent les psychiatres pour trouver des solutions. Or ces personnes doivent rester hospitalisées tant qu'elles sont considérées comme très dangereuses, pendant un an, deux, trois ou dix.
Nous devons faire face à ce problème et en parler. La société française a nié la maladie mentale au point que les hôpitaux psychiatriques manquent de moyens. Mais on a tort de nier la maladie mentale et de ne pas vouloir étiqueter ces troubles du comportement comme des troubles liés à un dysfonctionnement mental – n'étant pas médecin, je ne sais pas comment désigner cela. Il faut certes éviter la seconde victime, celle de la récidive, mais il faut aussi éviter la première. Si l'hospitalisation d'office n'est pas assez claire pour chacun dans notre société, il faut revenir dessus, mais je ne pense pas que ce soit le cas.
Il faut enfin envisager, dans une loi pénitentiaire qui reste à concevoir, de permettre l'hospitalisation d'office à l'intérieur du centre de détention, à défaut de pouvoir le faire pour les maisons d'arrêt. C'est indispensable. Nous aurons alors en droit, dès le début, la possibilité de faire soigner ces personnes, ce qui réduira les risques.
Comme vous le savez, madame la garde des sceaux, même si vous n'étiez pas encore en poste à cette époque, nous avons connu des drames à l'intérieur même des centres de détention et des gens qui étaient en détention pour des choses beaucoup moins graves ont perdu la vie. C'est là encore une chose dont il nous faut tenir compte. L'hospitalisation d'office, que le droit français prévoit pour les citoyens qui sont à l'extérieur, doit pouvoir se faire à l'intérieur des centres de détention, faute de quoi nous ne réglerons pas le problème.