Je tiens à revenir sur le processus. Nous sommes tous désireux d'éviter que les délinquants sexuels récidivent et nous voulons tous protéger la société de ces délinquants potentiellement récidivistes. Il est évident que nous voulons tous protéger les victimes. La discussion porte donc uniquement sur la meilleure façon d'y parvenir. Nous ne cessons de répéter qu'il faut d'abord se donner les moyens de faire fonctionner l'injonction de soins dès le début de la détention.
Certes, comme vous le soulignez, certains refusent de se soigner, mais on peut, pendant quinze ans, utiliser les moyens que nous donne la loi de 1998 pour faire fonctionner l'injonction de soins. On ne peut, assurément, obliger personne à se soigner – le corps médical le refuse, et à juste titre. En revanche, la loi prévoit un dispositif associant à la proposition de soins, si le détenu l'accepte, la possibilité de remises de peine ou de mesures de libération probatoire. Ne me dites pas que, durant ces quinze années en prison, en prenant le problème dès le début, on ne peut pas réussir, en conjuguant l'action de l'administration pénitentiaire, des services d'insertion et de probation et des médecins, à persuader la personne concernée par l'injonction de soins – laquelle a certes un aspect contraignant –, d'accepter ces soins.
Le préalable est qu'il ne faut pas envisager d'emblée l'enfermement. Or tel est précisément le sens de cet article : dans quinze ans on enfermera des gens parce qu'on présuppose qu'ils auront refusé de se soigner. Cela revient à baisser les bras en matière d'injonction de soins. Donnons-nous d'abord les moyens – nous y avons insisté hier et aujourd'hui – de faire fonctionner ce système.
Si les médecins considèrent qu'une personne sur le point d'être libérée, qu'elle ait ou non accepté des soins, reste dangereuse, il existe le mécanisme de l'hospitalisation d'office. À cet égard, madame la garde des sceaux, je ne suis toujours pas convaincue par vos arguments.
Plusieurs problèmes se posent : celui de l'état de la psychiatrie, celui de la responsabilité face à cette décision très difficile ou celui du manque de structures adaptées – raison pour laquelle je ne critique pas la création de ces centres particuliers, car il faut bien rénover les structures et le vieux système asilaire n'était évidemment pas adapté. Il ne s'agit pas, cependant, d'un problème immobilier : il faut savoir si l'on fait de l'enfermement – nécessaire – de ces délinquants qui ont purgé leur peine une décision médicale ou judiciaire. Si vous en faites, avec ce texte, une décision judiciaire, vous prêtez la main à un scandale qui s'aggrave année après année : on se débarrasse des malades mentaux dans les prisons, on se décharge d'un problème sur le système judiciaire. Il est tellement plus facile de dire qu'on va les enfermer, les oublier et ne plus en entendre parler !