Il ne suffit pas de changer la loi pour changer la réalité : il faut aussi s'en donner les moyens.
J'attire enfin votre attention sur l'importance de ce qu'a dit M. Le Guen : c'est parce que nous sommes passés de 140 000 lits de psychiatrie dans les années 1970 à 40 000 lits aujourd'hui que nous sommes confrontés à ces difficultés. L'évolution doctrinale de la psychiatrie rejette de nombreux malade vers les soins ambulatoires. Aujourd'hui, les hôpitaux psychiatriques ne prennent en charge que les psychotiques, dans le cadre de traitements courts et dans la perspective d'un retour rapide dans la cité, considérée comme un espace de soins. Il aurait été préférable de repenser le traitement des troubles mentaux de façon à prendre en compte les risques de dérapage.
Vous voulez y répondre, madame la garde des sceaux, par un enfermement pénal. Or, s'il faut un enfermement, mieux vaudrait un enfermement sanitaire, plus respectueux du droit des personnes.
Il fallait penser tout cela. Il fallait connaître la réalité des phénomènes, sans nous référer sans cesse à des faits divers qui n'ont pas toujours de rapport avec le fond des choses et dont nous n'avons connaissance que par les journaux. Enfin, il fallait repenser l'articulation entre le pénitentiaire et le sanitaire. Tout cela n'a pas été fait. Vous ne pouvez pas nous demander de voter un texte qui bouleverse à ce point toutes nos normes juridiques et qui risque de créer une catégorie de gens qui ne sortiront jamais du lieu où vous les enfermerez, si réelles que soient la difficulté du problème auquel vous voulez remédier et les douleurs qu'il peut provoquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)