L'article 1er, qui instaure le dispositif le plus dangereux de ce projet de loi, me fournit l'occasion de souligner quelques contradictions dans les propos tenus depuis quelques semaines aussi bien par le Gouvernement que par la commission – contradictions révélatrices des difficultés qu'éprouve votre majorité à défendre ce projet, et du même coup, de la fragilité de vos arguments. Peut-être allez-vous nous apporter ce soir quelques éclaircissements et lever quelques ambiguïtés.
Vous nous avez dit hier, madame la garde des sceaux, que la justice devait se tenir à l'écart des tumultes et des émotions passagères, et nous partageons pleinement cette opinion. C'est justement pourquoi nous ne comprenons pas que vous puissiez justifier votre texte par la liste détaillée des derniers faits divers ayant marqué la conscience collective !
D'autre part, le 11 décembre, devant la commission des lois, vous déclariez aux collègues de votre majorité qui vous demandaient d'élargir le champ d'application de l'article 1er que « si le texte limite la rétention de sûreté aux auteurs de crimes graves commis sur des mineurs de quinze ans, c'est parce qu'un champ beaucoup plus large aurait fait courir un risque d'inconstitutionnalité en raison de la difficulté à définir la notion de dangerosité ». Malgré ce risque, vous soutenez aujourd'hui les amendements de votre majorité, qui rendent justement cet élargissement possible !
Quant à vous, monsieur le rapporteur, vous avez défendu le 12 décembre devant notre commission un amendement qui tend à élargir le champ d'application de la rétention de sûreté pour y inclure les victimes mineures de plus de quinze ans. Selon vous, « cet amendement ne remet pas en cause les conditions d'application des circonstances aggravantes contenues dans le code pénal pour certains crimes et délits commis sur des mineurs de quinze ans mais procède à un élargissement très limité du champ d'application de la rétention de sûreté, dans la mesure où sont uniquement visés les auteurs de certains crimes commis sur les mineurs ». Pourtant, hier, vous avez fait adopter un nouvel amendement par la commission qui inclut les victimes majeures lorsque le crime a été commis avec une circonstance aggravante – un amendement semblable à celui qu'un de nos collègues avait proposé le 12 décembre et que vous aviez rejeté.
Pourquoi tant d'inconstance ? Ne s'agit-il pas, malgré vos dénégations, de céder aux pressions de l'opinion publique et de donner satisfaction aux demandes, abondamment relayées par les médias, du père de la jeune femme tuée en novembre dernier par un violeur récidiviste ? Si nul ne doit sous-estimer son immense souffrance, que répondrez-vous aux parents de victimes d'un crime puni d'une peine inférieure à quinze ans de détention, dont la souffrance est tout aussi insupportable ?
Un autre point mérite un éclaircissement, monsieur le rapporteur. Devant notre commission, et pour justifier le nouveau dispositif, vous avez déclaré le mois dernier que les différentes mesures existantes ne suffisaient pas dans le cas de personnes particulièrement dangereuses qui ont purgé leur peine, dont le risque de récidive est particulièrement élevé, mais qui, ne souffrant pas de troubles mentaux, ne relèvent pas d'une hospitalisation d'office.