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Intervention de Didier Migaud

Réunion du 11 juin 2008 à 15h00
Modernisation de l'économie — Article 42

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan :

Madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, vous aurez pu constater que la suspension demandée par la commission des finances a été très utile, puisqu'elle nous a permis d'accélérer grâce aux petits ajustements auxquels nous avons procédé.

Je veux dire quelques mots sur l'article 42, qui vise à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures destinées à « moderniser le cadre juridique de la place financière française ». Vaste sujet ! En effet, cette habilitation est extrêmement large. Elle ne porte pas seulement, comme souvent, sur la transposition de directives européennes, mais va beaucoup plus loin.

Elle concerne notamment la création d'une autorité administrative indépendante dans le domaine de la comptabilité d'entreprise. À ce sujet, je me permets d'ailleurs de regretter, madame la ministre, que le Parlement ne soit jamais invité à travailler sur les normes comptables. Nous avons mis en place, au sein de la commission des finances, une mission animée par Gaël Yanno et Dominique Baert sur les normes IFRS, et je souhaite que cette mission puisse être consultée dans le cadre des propositions qui seront formulées par le Gouvernement.

L'article 42 concerne également l'appel public à l'épargne. La réforme envisagée n'est pas anodine, elle est même pertinente sous certains aspects mais, là encore, elle mériterait que la représentation nationale y soit associée et que les particularités des banques coopératives soient prises en compte.

En ce qui concerne la réforme de la gestion pour compte de tiers afin de permettre le développement de hedge funds en France, si les souplesses introduites concernent des fonds destinés à des investisseurs avertis, il ne faut pas aller trop loin dans la déréglementation de ce type d'activités dont les défaillances peuvent avoir des répercussions sur l'ensemble des investisseurs.

Sur la réforme du droit des titres, je n'ai pas de commentaire particulier.

Sur l'extension des règles de commercialisation des produits financiers à l'assurance-vie, je remarque que, depuis 2002, on dénombre pas moins de quatre lois en matière de commercialisation de l'assurance-vie. Sans doute est-ce le signe que nous légiférons un peu vite, sans prendre le temps de la réflexion nécessaire, et nous proposer une nouvelle fois de réfléchir à la question après l'adoption des quatre textes précédents prouve qu'il serait préférable de réfléchir à une réforme globale, qui traite de l'assurance sous tous ses aspects, y compris fiscaux.

Enfin, l'habilitation prévoit la transposition de trois directives, auxquelles s'ajoute la transposition de la directive anti-blanchiment de capitaux, pour laquelle le Gouvernement a demandé une habilitation supplémentaire, par le biais d'un amendement qui n'a pas pu être examiné en commission.

À combien d'ordonnances, madame la ministre, donnera lieu l'habilitation prévue à l'article 42 ? Si j'y insiste, c'est non seulement parce qu'elle est large mais aussi parce qu'elle n'est pas la seule dans ce projet de loi, qui contient au moins six autres habilitations à légiférer par ordonnance. Je ne conteste pas la légitimité de certaines habilitations, lorsque l'urgence le justifie ou lorsque la question est purement technique, ce qui est le cas pour certains sujets que je viens d'évoquer. Cependant – et je crois me faire ici le porte-parole de beaucoup de députés –, l'utilisation de cette procédure est trop fréquente.

Pour en revenir à l'article 42, il ne porte pas seulement sur des sujets purement techniques, et ce n'est pas parce que le droit financier se caractérise par une certaine complexité qu'il ne mérite aucun débat politique. Ces dernières années, des pans entiers du code monétaire et financier et du droit boursier ont échappé à l'examen du Parlement, ce qui est regrettable.

Il est vrai – et vous avez insisté sur ce point, madame la ministre, de façon très pertinente – que ce droit est très dépendant des directives européennes, mais il est faux de dire qu'elles ne laissent aucune marge de manoeuvre dans leur transposition. Elles offrent toujours un certain nombre d'options, que l'on souhaiterait pouvoir discuter.

En outre, certaines réformes prévues à l'article 42 ne sont ni techniques ni exigées par les directives européennes : tel est le cas par exemple de la réforme de l'appel public à l'épargne et de la gestion pour compte de tiers.

Le Parlement a pourtant montré, notamment pendant l'examen de la loi de sécurité financière en 2003, qu'il ne se désintéressait pas des sujets financiers et qu'il disposait de rapporteurs compétents en la matière – je pense notamment à François Goulard –, capables d'apporter une réelle plus-value aux textes en discussion.

Je terminerai en signalant que la commission des finances a organisé un grand nombre d'auditions sur la crise financière mondiale et la crise qui a affecté la Société Générale. Nous avons entendu des autorités de surveillance, des représentants de grandes banques françaises et internationales, des économistes et vous-même, madame la ministre. Nous avons réfléchi à plusieurs mécanismes qui permettraient de mieux maîtriser les risques. Plusieurs propositions convergent, mais il n'y a rien dans le texte que vous nous proposez sur ces questions-là. Elles ne seront abordées dans la discussion que par le biais de quelques amendements proposés par la commission des finances, en attendant peut-être un futur texte.

Les propositions que nous faisons reprennent des idées entendues à plusieurs reprises, notamment l'augmentation du montant des sanctions que la commission bancaire peut infliger aux établissements de crédit ainsi qu'un meilleur encadrement du suivi du contrôle interne des banques – je sais que le président Patrick Ollier y est également très sensible –, grâce à l'introduction d'un devoir d'alerte de la commission bancaire en cas de signalisation d'une anomalie importante.

La commission présentera également un amendement visant à mieux encadrer l'activité des agences de notation, suite à une proposition de Frédéric Lefebvre. Je rappelle qu'il s'agit d'une question que nous ne cessons de poser depuis 2003. Il faudrait d'ailleurs, me semble-t-il, aller plus loin qu'une simple habilitation et traiter deux problèmes : celui du mode de rémunération des agences de notation et celui de la possibilité pour les entreprises contrôlées de répondre aux critiques émises par les agences de notation.

Telles sont les quelques observations que je souhaitais faire sur l'article 42. Essayons de limiter au maximum la législation par ordonnances et, même si ces habilitations sont nécessaires sur un certain nombre de sujets – ce qu'on peut comprendre –, nous souhaitons, madame la ministre, que vous associiez le Parlement, notamment les commissions en charge de ces sujets, afin de nous permettre de travailler conjointement avec vous dans un esprit constructif.

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