J'aurais préféré une grande loi de programmation pluriannuelle visant à donner à notre université les moyens de son autonomie et de son excellence. L'État aurait ainsi fixé un cadre assurant l'équité entre les universités et consolidant l'aménagement de nos territoires. Car votre projet présente le même risque que la décentralisation : des collectivités dont les moyens étaient inégaux sont devenues concurrentes, ce qui a provoqué de graves inégalités territoriales.
Si l'autonomie universitaire – utile et nécessaire, je le répète – consiste à établir une concurrence entre des universités de tailles différentes et disposant, surtout, de moyens très dissemblables, on aboutira inéluctablement à l'aggravation des inégalités de chances entre les étudiants, mais aussi entre les territoires. Il suffit d'imaginer un instant les abondements privés dont bénéficieront les fondations de certaines universités d'un département où sont installés les sièges sociaux de grandes entreprises en comparaison de petites universités – celle de Corte, par exemple – pour comprendre qu'il est impératif que l'État assume pleinement son rôle.
L'autonomie est toujours une perspective à la fois enthousiasmante et risquée. Elle ne sera un succès que si l'État fixe un cadre qui garantisse l'équité et la complémentarité entre les établissements. À défaut, nous risquons une concurrence dévastatrice entre les universités et l'aggravation de la compétition à laquelle se livrent nos territoires, qui coûte si cher à nos budgets. C'est pourquoi nous ne pouvons que nous réjouir lorsque les universités opèrent des rapprochements.
Mes chers collègues, l'autonomie peut, nous en sommes tous conscients, contribuer à l'émergence d'une université du xxie siècle. Encore faut-il, par ailleurs, que cette autonomie ne contredise pas le principe d'une gestion déconcentrée, qui seule pourra efficacement responsabiliser les acteurs. Nous évoquerons notamment cette question lors de la discussion des articles relatifs au renforcement du pouvoir exorbitant du président de l'université – les articles 12 et 16 en particulier.
Globalement, c'est bien d'un effort national qu'il s'agit. Nous avons besoin d'un saut substantiel de la qualité de la formation et du niveau de l'ensemble de nos étudiants ; 1 % du PIB consacré à nos étudiants : c'est bien des moyens supplémentaires qu'il faut pour mettre en oeuvre les ambitions de votre projet et de la nouvelle gouvernance. Votre démarche nous semble d'autant plus courageuse, madame la ministre, que nous ne savons pas si les arbitrages budgétaires ultérieurs vous seront favorables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)