Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons donc examiner le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités.
Pourquoi plus de libertés et de responsabilités – certains diront plus d'autonomie – pour nos établissements d'enseignement supérieur ? La raison principale réside, sans aucun doute, dans la nécessité de pouvoir prendre les bonnes décisions au niveau le plus pertinent. Plus libres, nos universités pourront mieux répondre aux attentes des étudiants et du monde professionnel. Elles seront en capacité de relever les défis de l'économie de la connaissance et de la mondialisation. Plus responsables, elles pourront être plus réactives et elles construiront les partenariats qui leur permettront d'aller résolument de l'avant. Plus de libertés et plus de responsabilités pour nos universités, c'est une bonne nouvelle pour notre pays qui, à l'instar de l'Irlande dont on connaît les succès économiques, fait désormais de l'enseignement supérieur et de la recherche une priorité absolue.
Mais, alors que l'on dénonce depuis des années les entraves qui empêchent nos universités de se moderniser, pourquoi n'a-t-on pas abouti plus tôt ? Hormis le fait qu'elle a été la victime collatérale de crises universitaires à répétition, l'autonomie des universités ne pouvait aboutir faute d'un nouvel état d'esprit dans notre pays. Cette nouvelle vision des choses s'impose enfin depuis l'Élysée et depuis l'élection de Nicolas Sarkozy. Il s'agit de bâtir une société plus libre et plus responsable. Il s'agit aussi de redonner aux Français le goût du travail, du mérite, de l'audace, et de leur rendre la fierté de leur pays.
C'est sur ces bases nouvelles que vous aurez, madame la ministre, forte de la loi que vous proposez et que nous allons voter, à construire une relation différente entre l'administration centrale et les universités, fondée sur la confiance, la culture du résultat et l'évaluation plutôt que sur la défiance, la bureaucratie et un corps de règles par trop complexe et contraignant.
Vous l'avez compris : nouveau député mais fort de l'expérience de mon parcours universitaire, j'adhère sans hésiter aux principes contenus dans la loi que vous défendez avec talent et conviction.
Avec vous, madame la ministre, je veux également rappeler que si autonomie il doit y avoir, elle ne peut être sans limite. La réforme s'inscrit en effet dans la tradition française qui combine cadre national et autonomie des établissements d'enseignement supérieur.
Libertés et responsabilités, cadre national et autonomie nécessaire des établissements : on l'aura bien compris, tout est ici affaire de dosage et de réglages. A ce sujet, et pour compléter ce qui a été dit au cours de cette journée, je voudrais attirer votre attention sur deux points d'équilibre à trouver, sur deux défis à relever.
Le premier consiste à faire en sorte que l'autonomie conduise au regroupement des universités sans pour autant remettre en cause leur présence sur l'ensemble du territoire national.
Doyen d'une faculté de droit dans une université créée en 1992, j'entends les critiques qui sont régulièrement formulées à l'encontre des universités de proximité. Il ne faudrait pas que, sous prétexte de rationalisation, l'autonomie nouvelle conférée aux établissements conduise ceux-ci à remettre en cause le maillage universitaire du territoire national.
En effet, les universités de proximité participent activement à la démocratisation de l'enseignement supérieur. Elles jouent un rôle d'ascenseur social, comme, en leur temps, les écoles normales d'instituteurs. Par ailleurs, comment atteindre sans elles l'objectif de 50 % d'étudiants en licence, contre 37 % seulement aujourd'hui ?
À taille humaine, ces universités ont su innover au plan pédagogique. Elles enregistrent des résultats très encourageants car elles ont su également développer des formations nouvelles qu'attendait le monde professionnel. Elles sont devenues, au fil du temps, un atout pour le développement régional, permettant de rapprocher l'enseignement supérieur de l'emploi, d'innover et de créer des partenariats durables avec le monde économique, à travers la constitution de pôles d'excellence.
Je ne nie pas que telle ou telle réorganisation peut être nécessaire ici ou là. De même, il est évident que ces universités doivent travailler en réseau et non pas vivre isolées. Mais, ensemble, faisons en sorte que la réforme nécessaire de l'université française conduise non pas à fragiliser, mais au contraire à renforcer les établissements dont notre pays, dont nos territoires ont absolument besoin.
Nous avons un autre défi à relever, un autre équilibre à trouver, que je n'évoquerai que brièvement, car il sera au coeur de nos débats. Il s'agit, dans les universités pluridisciplinaires cette fois-ci, de concilier le renforcement du pouvoir central de décision et la nécessité de permettre aux disciplines et aux universitaires de mener un dialogue indispensable, qu'il faut sinon organiser, du moins encourager.
Nul ne doute de la nécessité de mettre fin à la multiplication des centres de décision, sources de paralysie, de perte d'énergie et de temps. Le projet de loi, en ce qu'il donne aux présidents et aux conseils d'administration de vrais moyens pour agir, doit sans aucun doute être encouragé. Cependant, cette évolution nécessaire ne doit pas conduire à la domination d'une ou de plusieurs disciplines sur les autres ; elle ne doit pas non plus conduire à prendre des décisions à un niveau qui ne serait pas nécessairement le plus pertinent.
Si, au nom de l'efficacité et de la subsidiarité, il doit y avoir déconcentration depuis le ministère vers les universités, ou tout du moins à l'intérieur des universités, quand elles sont pluridisciplinaires, il faut également une répartition des rôles entre le pouvoir central et les composantes, dans le respect des disciplines et des universitaires.