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Intervention de Dominique Souchet

Réunion du 21 juillet 2009 à 15h00
Protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Souchet :

Monsieur le président, madame la ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi complémentaire que nous étudions aujourd'hui est évidemment d'une importance capitale pour le quotidien de millions de Français.

À la suite de la censure du Conseil constitutionnel, le nouveau texte permet à la justice de recourir à des procédures simplifiées par la voie d'ordonnances pénales, et devant le tribunal correctionnel siégeant à juge unique. Les atteintes aux droits d'auteur et droits voisins commises sur internet pourront être sanctionnées par la suspension de l'abonnement.

Les réserves qui ont été les nôtres sur le projet de loi HADOPI se reportent tout naturellement sur HADOPI 2, dès lors que la même logique l'inspire, que la même approche a été retenue et que l'ensemble du dispositif initial est reconduit, à l'exception de son volet pénal. HADOPI 2 n'apporte pas non plus de réponse convaincante à la question du respect de la propriété intellectuelle sur internet : il est, en effet, déjà obsolète avant même son entrée en application. Pourquoi ? À cause de la multiplication des sites de contournement qui se mettent en place : sites opérant un changement automatique d'adresse IP dès que l'internaute s'y connecte ; sites permettant le cryptage des fichiers avant téléchargement ; sites détournant les réseaux VPN de leur usage initial. Le contournement de la loi est donc déjà en marche.

Adopter ce projet en l'état, c'est donc accepter de porter atteinte à la crédibilité du processus législatif lui-même. Ce n'est pas sain. Seules durent les lois qui sont applicables et qui peuvent être respectées.

Le second motif d'inquiétude, c'est que ce soient les particuliers les moins aguerris à l'usage d'internet, et en particulier les familles, qui soient les plus pénalisés, et non les pirates les plus avertis, lesquels auront toujours la possibilité d'usurper l'identité d'un internaute et de lui faire porter la responsabilité d'actes de piratage qu'il n'a pas commis.

À partir du moment où il est possible d'utiliser la connexion d'un tiers pour télécharger illégalement, il y a un risque que la loi sanctionne les victimes au lieu de sanctionner les coupables. Les « voyous de la toile » pourront donc continuer à vivre du téléchargement illégal en toute impunité.

Pour autant, la production culturelle doit être défendue et ne pas être livrée aux pilleurs de la toile. Il convient donc d'envisager des solutions alternatives.

Dans un premier temps, il faut garantir aux internautes que leur anonymat ne sera pas menacé. C'est pourquoi nous sommes favorables à l'amendement, déposé par M. le rapporteur, qui prévoit d'exclure la surveillance des e-mails.

À moyen terme, nous devons déjà songer à l'après-HADOPI, car je suis convaincu que cette loi montrera très vite ses faiblesses.

Mon sentiment est que pour répondre aux deux problématiques que sont le respect du droit d'auteur et la garantie des droits des internautes, nous ne pouvons pas faire l'économie de la mise en place d'une licence globale de téléchargement, en veillant bien entendu à ce qu'il n'y ait pas rupture d'égalité.

L'industrie musicale s'ouvre peu à peu à cette idée en découvrant le potentiel économique qu'elle représente. Ainsi, l'ancien président du conseil d'administration de la SACEM expliquait récemment qu'il était favorable à cette formule : « Il ne s'agirait évidemment pas de légaliser l'échange sauvage de fichiers via le peer-to-peer, mais de fournir une licence qui donnerait accès à des sites de téléchargement correspondant aux différents fournisseurs d'accès et fournis en fichiers sains par les producteurs, où l'abonné pourrait télécharger toutes les oeuvres qu'il voudrait ».

L'instauration d'une taxe de l'ordre de 6 euros, par exemple, payée pour une moitié par le fournisseur d'accès à internet et pour l'autre par son client, serait économiquement viable. Si l'on prend en compte les 18 millions d'abonnés haut débit en France, une telle disposition permettrait au marché du disque de doubler le volume de ses recettes, pour atteindre 1,3 milliard d'euros par an, sans pour autant menacer la liberté des internautes.

Cette évolution des mentalités s'observe également à l'étranger. Aux États-Unis, par exemple, Warner Music travaille depuis maintenant quatre mois à un projet de licence globale, en collaboration avec les fournisseurs d'accès internet, ce qui confirme que cette voie mérite d'être sérieusement explorée.

En définitive, cette loi HADOPI 2 risque de poser plus de problèmes qu'elle n'en résoudra, et le moment viendra inéluctablement où nous devrons substituer à un dispositif de surveillance un système de licence globale crédible et applicable, permettant de rémunérer les artistes sans attenter à la liberté des internautes.

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