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Intervention de Jean-Louis Gagnaire

Réunion du 21 juillet 2009 à 15h00
Protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Gagnaire :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette fin de session estivale, nous allons devoir réexaminer un troisième projet de loi consacré à l'utilisation d'internet. Après le travail dominical, le projet HADOPI 2 est destiné à satisfaire le curieux sens des priorités du Président de la République, mais nous avons été prévenus : le projet, défendu conjointement par Mme la garde des sceaux et M. le ministre de la culture, constitue un marqueur politique sur lequel l'UMP n'a pas le droit de reculer.

Nous aurions toutefois aimé entendre toute la diversité de la réflexion gouvernementale sur le sujet, et notamment Mme la secrétaire d'État chargée de l'économie numérique. D'abord, après avoir réuni des professionnels du secteur culturel pour réfléchir à de nouvelles formes de rémunération des artistes, Mme Kosciusko-Morizet a carrément déclaré que la loi sur le téléchargement était « un échec collectif » lors d'un chat sur le site Bakchich. Ensuite, votre collègue du Gouvernement en a profité pour redéfinir sa vision de l'après-HADOPI : « Pour la suite, j'essaie à la fois de travailler, avec le monde de la musique, à développer l'offre légale, faire qu'elle soit intuitive, impulsive, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, même si de très nombreux modèles économiques, parfois innovants coexistent. Et aussi de travailler avec les autres secteurs potentiellement « impactés » par le numérique, pour qu'ils ne se laissent pas « cornériser » eux aussi. »

On ne saurait mieux dire !

Après la censure du Conseil constitutionnel, vous auriez pu instaurer un moratoire mais, pour satisfaire aux oukases du Président de la République, vous avez décidé de faire examiner ce texte en plein été en déclarant l'urgence avec toujours la même obsession, celle de contrôler l'internet.

Ce nouveau projet est tout entier placé sous le signe du contournement. Contournement, d'abord, de la décision du Conseil constitutionnel. Le texte ignore le fond des objections formulées par le Conseil, qui s'inquiétait notamment des menaces que fait courir aux libertés publiques la tentation du contrôle de l'internet. HADOPI 2 n'est qu'un bricolage hâtif destiné à passer outre la décision du Conseil constitutionnel.

Contournement, ensuite, de la difficulté que rencontre le Gouvernement pour déterminer le point d'équilibre entre la protection du droit d'auteur et la protection de la liberté de communication. Celle-ci est renvoyée au juge, qui devra statuer cas par cas, selon une multitude de critères que la loi n'encadre pas.

Contournement encore du droit au procès équitable, avec le recours à la procédure du juge unique et aux ordonnances pénales en matière de délits et de contrefaçons. Cette procédure, qui exclut l'enquête judiciaire, n'apporte aucune réponse au problème du renversement de la charge de la preuve, pourtant plus que sujet à caution. Inévitablement, des innocents seront condamnés, et de cela vous ne parlez jamais !

Contournement aussi du principe de séparation des pouvoirs, avec une autorité administrative chargée de constater les infractions, de les instruire, de notifier et de suivre les condamnations. Le juge est invité à statuer sur la base des procès-verbaux qu'établira la HADOPI.

Contournement, enfin, de la procédure simplifiée des ordonnances pénales, qui bloque normalement l'accès aux dommages et intérêts.

Mais surtout, ce nouveau projet de loi se situe aux antipodes du monde réel, puisque vous persistez dans la coupure d'accès aux moyens de communication, et que vous allez provoquer des thromboses dans l'appareil judiciaire, qui a pourtant bien d'autres urgences à traiter.

Que de renonciations pour défendre un modèle que tout le monde sait désormais dépassé et condamné !

Monsieur le ministre, avec ce combat d'arrière-garde, vous faites perdre un temps considérable à la recherche d'un nouveau modèle économique et à la nécessaire adaptation des droits d'auteur à l'ère numérique.

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