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Intervention de Marc Dolez

Réunion du 28 mai 2009 à 15h00
Statut de la société privée européenne et services sociaux d'intérêt général dans l'union européenne — Discussion d'une proposition de résolution

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Dolez, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire :

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse, mes chers collègues, cela fera demain quatre ans que notre peuple rejetait, à une très large majorité, le projet de traité constitutionnel et chacun se souvient probablement des débats, des critiques et oppositions qu'avait à l'époque suscités le projet de directive sur les services dans le marché intérieur, dite directive « Bolkestein », présenté par la Commission européenne.

L'ampleur des ces critiques et oppositions a été telle que la version adoptée par le Parlement européen, le 12 décembre 2006, comportait des modifications importantes par rapport au projet initial de directive. D'abord, le principe du pays d'origine a été abandonné. Ensuite, le champ d'application de la directive sur les services a été réduit puisque les services sociaux d'intérêt général en ont été exclus.

Le projet de résolution que les députés communistes, républicains et du parti de gauche soumettent cet après-midi à l'Assemblée nationale est motivé par les inquiétudes extrêmement fortes que nous inspirent les débats en cours au niveau européen et qui se traduiraient, s'ils allaient à leur terme, par la réintroduction du principe du pays d'origine et par la soumission des services sociaux d'intérêt général aux règles de la concurrence. C'est la raison pour laquelle nous avons utilisé la faculté offerte par l'article 88-4 de la Constitution.

Notre première inquiétude concerne les débats en cours pour l'élaboration du statut de la société privée européenne. Au mois de juin 2008, la Commission a publié une proposition de règlement relatif au statut de la société privée européenne, laquelle a été approuvée par le Parlement européen le 10 mars dernier.

Ce statut, en cours d'élaboration et qui va revenir devant le conseil des ministres de l'Union européenne, est censé faciliter les activités des petites et moyennes entreprises – elles sont 23 millions au sein de l'Union européenne –, sans faire disparaître les statuts existants de la société anonyme et de la SARL pour ce qui est de la France. Il pose néanmoins deux problèmes.

Le premier concerne son champ d'application. Le statut ne devrait théoriquement s'appliquer qu'aux PME, c'est-à-dire, selon la Commission, aux entreprises de moins de 250 salariés et réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros. Or, l'exposé des motifs de la proposition de règlement indique très clairement que le statut proposé pourrait s'appliquer à toutes formes de sociétés, y compris à des sociétés et à des groupes de plus grande dimension qu'une PME. D'ailleurs, le Parlement européen, dans sa délibération du mois de mars dernier, a accru la confusion. En effet, énumérant certains seuils concernant la participation des travailleurs, il a évoqué ceux de moins de 500 salariés, de 500 à 1 000 salariés, et de plus de 1 000 salariés. Cela signifie que des sociétés beaucoup plus importantes que les PME pourraient bénéficier de ce statut.

Le second problème est celui de la détermination du siège social. L'exposé des motifs de ladite proposition de règlement précise, là aussi très clairement, qu'une entreprise pourrait avoir son siège social dans un pays et l'essentiel de ses activités dans un autre. C'est la réintroduction du principe du pays d'origine, avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir. En effet, combiné avec l'extension du champ d'application du statut, l'application d'un tel principe permettrait de contourner des législations sociales ou fiscales plus protectrices.

Avec cette proposition de résolution nous demandons donc avec insistance que le statut de la société privée européenne ne puisse pas permettre un tel contournement. Monsieur le haut-commissaire, nous attendons du gouvernement français qu'il adopte sur ce point une position extrêmement ferme et claire lors des réunions du conseil des ministres à Bruxelles.

Notre seconde inquiétude concerne les services publics et les services sociaux d'intérêt général, qui sont au coeur de notre pacte social et républicain. Ces derniers concernent des sujets aussi importants que le logement social, l'aide à l'enfance, les problèmes de garde d'enfants, et nous en avons, en France, une conception encore plus large que celle de la Commission européenne. Pour cette dernière, les services sociaux d'intérêt général sont un sous-ensemble des services d'intérêt général dont le moins que l'on puisse dire est qu'ils ne font pas l'objet, au niveau communautaire, d'un encadrement très formalisé puisqu'il est encore laissé à l'appréciation soit de la Commission, soit de la Cour de justice des Communautés européennes.

C'est la raison pour laquelle, depuis maintenant une dizaine d'années, tant le Conseil européen en 2001 et 2002, que le Parlement européen en 2003 et 2004 ont demandé à plusieurs reprises et avec beaucoup d'insistance à la Commission une directive-cadre affirmant la spécificité de ces services sociaux d'intérêt général et qui puisse les mettre à l'abri de l'application des règles de la concurrence. Force est de constater que la Commission européenne a opposé un refus à ces demandes réitérées.

Elle a refusé une première fois en avril 2006, après que le Parlement européen eut adopté en première lecture la directive sur les services dans sa forme quasi définitive, excluant de son champ d'application les services sociaux d'intérêt général, et a réitéré son refus en novembre 2007. Et au cas où nous n'aurions pas bien compris, M. Barroso, le président de la Commission européenne, présentant à la presse la communication de 2007 de cette dernière, a dit très clairement qu'il n'était pas question d'une directive-cadre et qu'un tel procédé n'était pas utile pour répondre à la diversité des situations existant au sein de l'Union européenne. J'ajoute que, dans l'intervalle, la Commission européenne a confirmé cette position puisque, appelée à se prononcer sur le système d'aide aux logements sociaux présenté par le gouvernement hollandais, elle a considéré que le logement social ne figurait pas parmi les missions d'intérêt général.

C'est la raison pour laquelle, à travers cette proposition de résolution, nous demandons au Gouvernement d'exiger de la Commission qu'elle prenne cette directive-cadre. Une clarification est d'autant plus importante que la directive sur les services approuvée par le Parlement européen en décembre 2006 doit être transposée dans notre législation avant la fin de l'année 2009.

La commission des affaires économiques, devant laquelle j'ai rapporté cette proposition de résolution, n'a pas cru devoir émettre un avis favorable…

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