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Intervention de Jean-Claude Fruteau

Réunion du 28 mai 2009 à 15h00
Transformation écologique de l'économie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Fruteau :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par certains de nos collègues du groupe de la gauche démocratique et républicaine intègre des objectifs louables que tous ici nous pouvons partager. En effet, transformer notre économie pour qu'elle soit plus soucieuse du respect de l'environnement est une contrainte nécessaire, et il est impératif que cette contrainte soit rapidement transformée en ressource.

Cette transformation est avant toute chose un devoir politique face à l'urgence en la matière et face aux premiers effets du réchauffement climatique qui vont bouleverser nos habitudes. C'est également un devoir pour le développement économique et social de notre pays, puisque la réorientation économique vers l'écologie constitue un formidable levier pour la création d'emplois. Enfin, c'est un devoir que nous avons à l'égard des générations futures, car nous ne sommes que les locataires de ce monde, que nous devons transmettre à nos enfants dans un état qui leur permette d'y vivre convenablement.

Cela constitue donc un enjeu majeur pour notre pays. Relever ce défi suppose cependant une transformation en profondeur de nos modes de vie, de consommation, de déplacement et de croissance. Contribuer à poser des fondations solides pour l'avènement d'une société écologiquement vertueuse doit désormais être au centre de tous les projets économiques de notre pays. À cet égard, je considère que le projet de loi relatif au premier volet du Grenelle de l'environnement – que nous examinerons très prochainement en seconde lecture – pose bel et bien des principes mais oublie quelque peu à mon sens le volet économique et industriel. Or, c'est dans ce champ que se situent les emplois de demain. Les efforts en faveur de la recherche et développement en la matière doivent, d'une part, nous amener à traduire dans le réel les objectifs que nous nous fixons et, d'autre part, permettre à notre économie d'avoir un temps d'avance dans la compétition mondiale, afin de conserver notre savoir-faire sur le territoire national et de créer ainsi des emplois durables.

Je considère qu'il est louable de se donner des objectifs en matière de production énergétique propre, mais encore faut-il être capable de s'approvisionner en équipements nécessaires et, si possible, en équipements produits sur le territoire national, afin de transformer l'élan écologique en soutien à l'économie et de renforcer dans le même temps notre indépendance industrielle. Par ailleurs, dans le domaine des services, qui sont souvent des emplois difficilement délocalisables, la croissance verte constitue une mine d'emplois, une chance à saisir pour soutenir à la fois la croissance économique et la transformation écologique de notre économie.

Souhaitant comme nous tous que notre économie puisse tirer les bénéfices de son orientation vers l'écologie, je ne peux, ainsi que je l'ai déjà exprimé devant la commission des affaires économiques, que partager le constat et les analyses qui ont conduit nos collègues du groupe GDR à l'élaboration de cette proposition de loi et adhérer pleinement aux objectifs qu'ils poursuivent.

Toutefois, si certaines propositions sont incontestablement louables, je suis obligé d'émettre de sérieuses réserves sur d'autres mesures qui pourraient avoir des effets négatifs sur le développement de nos territoires et la vie quotidienne de nos concitoyens. L'urgence de la transformation écologique de notre économie est bel et bien présente, encore faut-il ne pas se montrer trop brutal ni trop radical. Tout ne sera pas possible tout de suite. Ce qui est proposé ici est une véritable révolution. Il s'agit ni plus ni moins d'inventer un nouveau modèle économique et sociétal pour remplacer celui qui est en train de sombrer sous nos yeux. Il est donc nécessaire de prendre son temps pour une adaptation qui prenne en considération la réalité dans tous ses aspects.

Je ne reviendrai pas sur la création de la contribution climat-énergie, que nous devrons tôt ou tard mettre en oeuvre, si ce n'est pour m'interroger sur les répercussions éventuelles que cela aura sur les consommateurs. Qui peut croire en effet que les distributeurs ne seront pas tentés de répercuter cette taxe sur leurs tarifs ?

Dans le secteur de l'automobile par exemple, s'il existe déjà des voitures propres comme les véhicules hybrides, force est de constater qu'elles ne sont pas encore accessibles au plus grand nombre. Et, si nous choisissons d'appliquer la contribution climat-énergie, encore faut-il être en mesure de proposer des alternatives concrètes à la portée de tous. Je ne voudrais pas en effet qu'au nom d'une course au tout écologique, on accentue les inégalités sociales dans notre pays.

Au titre II de la proposition de loi, il est proposé d' « interdire à l'avenir toute construction de voiries autoroutières nouvelles », au motif que notre pays est suffisamment équipé et qu'il convient de réorienter les investissements publics en faveur des transports en commun. Je suis d'accord avec vous sur le fond s'agissant du développement des transports en commun ; en revanche, cette volonté soulève plusieurs interrogations : Peut-on raisonnablement dire aux régions encore enclavées qu'elles ne pourront plus à l'avenir avoir de liaison autoroutière ? Quel message voulons-nous adresser à ces territoires qui sont d'ores et déjà pénalisés par leur géographie et les défauts de la politique d'aménagement du territoire ? Seraient-elles condamnées ad vitam æternam à rester plus ou moins isolées ? Cette problématique est essentielle à mon sens, car nous nous devons de concilier les ambitions écologiques que nous nous fixons avec les objectifs de poursuite de l'aménagement du territoire.

De même, en ma qualité de rapporteur pour avis sur le budget des transports aériens, je souhaite aborder les propositions formulées dans ce domaine. Si, là encore, j'adhère à la philosophie qui structure globalement cette proposition de loi, je considère néanmoins que les mesures contenues dans ce texte sont trop drastiques. Interdire le financement public des extensions d'aéroports aurait pour effet immédiat de déstabiliser nos plates-formes face à la concurrence étrangère, et je reste convaincu que nous ne serions aucunement suivis par les autres pays, notamment nos amis européens. Nous perdrions ainsi l'attractivité économique qui est la nôtre aujourd'hui au profit d'autres terminaux aéroportuaires, en particulier ceux situés au Moyen Orient. Or, les frontières n'étant pas hermétiques aux gaz à effet de serre, le problème de la pollution atmosphérique résultant du secteur de l'aéronautique ne serait pas réglé mais purement et simplement déplacé. Je crois donc qu'au lieu de se pencher uniquement sur la limitation des activités des aéroports et de leurs extensions, il convient de traiter d'abord les véritables problèmes : l'amélioration des performances énergétiques des avions, la lutte contre les nuisances sonores aux abords des aéroports – les rapports annuels de l'ACNUSA démontrent qu'il y a encore beaucoup à faire en la matière –, la généralisation des procédures de descente continue ou encore le développement de l'intermodalité, notamment pour les déplacements intérieurs.

Enfin, certains territoires n'ont d'autres choix que de poursuivre dans le domaine du développement de leurs aéroports.

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