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Intervention de Yves Cochet

Réunion du 28 mai 2009 à 15h00
Transformation écologique de l'économie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Cochet :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, mes chers collègues, l'une des propositions phare du pacte écologique écrit, voici quelques années, par Nicolas Hulot – et consulté en ligne par plus de 800 000 personnes, dont le Président de la République lui-même – consistait à instaurer une « contribution énergie-climat ». C'est sur ce point que portera l'essentiel de mon intervention. Cette proposition a été reprise par bon nombre des associations impliquées dans le processus participatif du Grenelle de l'environnement.

Pour calculer cette contribution, les associations – parmi lesquelles la Fondation Nicolas Hulot et bien d'autres – demandaient la prise en compte non seulement des émissions de gaz à effet de serre, en particulier de dioxyde de carbone, mais aussi de la quantité d'énergie consommée. C'est pourquoi cette contribution énergie-climat se distingue de la simple « taxe carbone » – j'y reviendrai.

La mise en oeuvre de cette contribution exige un véritable effort de pédagogie, afin de démentir les idées fausses qui circulent – je vous dirai de quelle façon. En effet, la taxe carbone, qui est l'objet de l'engagement n° 68 du Grenelle de l'environnement, ne vise que les seules quantités de dioxyde de carbone émises par la production et la consommation d'énergies fossiles. Un tel dispositif inciterait donc à se reporter vers les énergies qui émettent le moins de dioxyde de carbone, mais inciterait moins à l'économie d'énergie. On pourrait l'assimiler à une sorte de « pollutaxe » érigée aux frontières de l'Union européenne, qui permettrait d'éviter le dumping environnemental pour les importations vers l'Union de certains produits à fort contenu en carbone, tandis que l'Union tenterait de son côté de « décarboner » son économie.

Je ne suis pas du tout opposé à la taxe carbone, mais je souligne à quel point elle est différente de la contribution énergie-climat, puisqu'elle ne concerne que les produits importés, alors que ladite contribution est interne à l'Union européenne. Ainsi, la proposition de loi défendue par M. de Rugy et déposée par les députés Verts – je salue la présence dans l'hémicycle de M. Mamère – en fait une contribution qui concerne les émetteurs et les gaspilleurs d'énergie à l'intérieur même de l'Union, et donc de la France.

On évoque parfois les difficultés de sa mise en oeuvre. Votre prédécesseur sur ces bancs, madame la secrétaire d'État, a encore indiqué ce matin qu'il convenait de réfléchir davantage ; je ne le crois pas. Cette mesure est fondée sur quelques principes très clairs, et bien connus depuis longtemps.

Le principe « pollueur-payeur », tout d'abord, est une grande avancée de la conférence de Rio, en 1992, reprise dans la loi Barnier de 1995 et, dans une moindre mesure, dans la Charte de l'environnement adossée à la Constitution depuis plusieurs années. Ce principe consiste à modifier l'assiette de certaines contributions en France, en taxant moins le travail – sur tous les bancs, nous devrions nous retrouver autour de cet objectif – et davantage la pollution, et ce à prélèvements obligatoires constants, car il n'est pas question de les augmenter, mais d'en modifier pour partie l'assiette.

Le deuxième principe que nous voulons appliquer, c'est le caractère redistributif de cette contribution. Elle n'a pas pour objet de nourrir le budget de l'État – même s'il en aurait par ailleurs besoin, vu son fort déficit. Cette taxe sur les pollueurs, les émetteurs de dioxyde de carbone ou ceux qui gaspillent trop l'énergie sera redistribuée sur les économies d'énergie, le développement des énergies renouvelables, voire la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

Tels sont les deux principes essentiels. De quoi peut-on s'inspirer ? En effet, tout discours relatif à une taxe, à un prélèvement ou à une contribution incite bien souvent nos concitoyens à s'émouvoir – parfois à juste titre – de ce qu'ils estiment être un nouvel impôt. Il va de soi qu'aucun d'entre nous n'est opposé à l'impôt en tant que tel ; nous en sommes même les maîtres, en quelque sorte, puisque nous le votons chaque année en loi de finances. Songez pourtant qu'en l'occurrence, il s'agit d'un impôt particulièrement juste puisque, d'une part, il est entièrement redistribué, et donc neutre au plan fiscal, et que, d'autre part, il permet de promouvoir la transformation écologique de l'économie, selon l'intitulé de la proposition de loi.

Pourquoi ne pas s'inspirer par exemple de la taxe sur les carburants – la TIPP ? Certes, la fiscalité des carburants suscite souvent la polémique entre tel ou tel individu, car il s'agit d'un sujet propice à la foire d'empoigne.

Payons-nous trop d'impôts ? Cela peut se discuter. Brossons d'abord le tableau de ce que représente l'énergie dans notre vie collective. En France, 75 % de l'énergie finale provient d'énergies fossiles – pétrole, gaz ou charbon. Notre usage réel nous rapproche donc bien plus du « tout-fossile » que du « tout-nucléaire », puisque l'énergie nucléaire ne fournit que 80 % de l'électricité. Or, chacun sait que le pétrole, le gaz et le charbon sont des denrées épuisables et polluantes. Dès lors, la seule manière d'éviter une tension sur l'offre, c'est de faire diminuer la demande au plus vite, avant d'atteindre la limite de production, et donc de diminuer délibérément la consommation avant que les inéluctables contraintes géologiques ne s'en chargent pour nous. M. Poignant et Mme la secrétaire d'État savent bien de quoi je parle : s'il y a un « pic pétrole », il y aura bientôt un « pic gaz » voire, plus tard, un « pic charbon ». Ne croyons pas que nous puissions envisager les réserves par rapport à la production actuelle, en prévoyant par exemple qu'il nous reste 180 années de charbon : ce raisonnement est stupide. L'essentiel, c'est le moment où commence la diminution des réserves – il est imminent, et même déjà passé pour le pétrole.

L'histoire de ces dernières décennies montre d'ailleurs que le principal déterminant de la consommation d'énergie n'est pas l'efficacité des appareils consommateurs – même si l'on ne peut que prôner l'efficacité énergétique. Vous savez néanmoins qu'elle peut entraîner un effet pervers, par rebond, en quelque sorte : plus les appareils sont efficaces, moins on est regardant quant à la consommation, quitte à consommer davantage. C'est le cas des voitures : elles sont plus efficaces qu'il y a trente ans ; en conséquence, on va plus loin, plus vite et plus souvent, et on consomme donc de plus en plus d'essence – sauf depuis juillet 2008.

L'histoire nous enseigne aussi que les hausses de prix se produisent parfois de manière brutale, lors des chocs pétroliers par exemple. Compte tenu de la déplétion des hydrocarbures et de leur contribution à l'effet de serre – car leur contribution et celle des énergies fossiles en général est avérée –, nous pensons qu'il faut, grâce à la proposition de loi de M. de Rugy, instaurer la contribution énergie-climat, inspirée par une proposition du milieu associatif datant de quelques années. En diminuant les prix d'usage de ces énergies fossiles – comme certains entendent parfois le faire sur tous ces bancs – la consommation croîtra ! Voilà qui produirait l'effet inverse de celui que l'on recherche, c'est-à-dire la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation d'énergies fossiles. Nous pensons que les prix de l'énergie en général – car les fossiles influencent les cours de l'ensemble des énergies – sont appelés à augmenter dans les années qui viennent. Sauf catastrophe majeure – on peut hélas en craindre certaines, comme la transformation de la récession en dépression économique ou encore, un jour, l'épidémie massive –, les prix des énergies fossiles et de l'ensemble des énergies vont donc augmenter et, comble de l'ironie, on ne se débarrassera pas du problème du changement climatique de cette manière.

En clair, si nous refusons désormais de payer des taxes progressivement croissantes sur l'énergie, telle que l'est la contribution énergie-climat, permettant à l'ensemble des acteurs de l'énergie, industriels comme domestiques, de connaître l'augmentation des taxes sur l'énergie au bout de cinq ou dix ans, si nous refusons, disais-je, cette méthode démocratique et anticipatrice, alors nous aurons à payer plus tard dans des conditions bien plus déplorables. Il va de soi qu'il est préférable de voir le prix de l'électricité, du fioul, du gaz, du kérosène ou encore de l'essence monter quelque peu tous les ans, de manière concertée et anticipée, plutôt que de laisser faire le marché en attendant benoîtement de voir ce qui se passera, et que les prochains chocs pétroliers et les conséquences du changement climatiques se chargent de réguler à notre place, bien plus brutalement et, hélas, très bientôt. Voilà qui justifie notre proposition d'instaurer une contribution énergie-climat. Il me semble que même les experts de Bercy, qui savent faire des tas de choses, sauront la mettre en place. Elle est donc intégrée à la proposition de loi de M. de Rugy, que nous soutenons fermement.

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