Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les présidents de commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, notre pays fait figure aujourd'hui, dans le monde occidental, de dernier de la classe s'agissant des relations entre les services de renseignement et les élus du peuple.
Du fait d'une tradition, qui ne trouve certainement pas sa source dans un quelconque régime démocratique, notre parlement se trouve, de fait, privé du droit de s'informer des questions relatives aux services de renseignement de la République qui ne relèvent que de l'exécutif, alors même que nous devons pourtant assurer le contrôle de celui-ci.
Depuis quelques années, les socialistes et d'autres, puisque nous sommes ici pour examiner un projet de loi déposé par l'actuel gouvernement, souhaitaient une évolution significative de cette situation. Cela étant, le présent texte répond-il le mieux possible à nos attentes ? Nous ne le pensons pas.
Certes, les questions relatives au renseignement sont d'un caractère plus que sensible. On peut toutefois se demander pourquoi un responsable investi d'une mission gouvernementale serait en situation d'en connaître alors que cette même personne, investie d'un pouvoir de représentant du peuple, élue d'une assemblée parlementaire, ne serait plus en situation de responsabilité. Sur ces bancs, siègent en effet des hommes et des femmes qui sont en situation de pouvoir exercer l'une ou l'autre de ces fonctions, au gré des circonstances.
Certes, la situation d'un membre de l'exécutif et celle d'un parlementaire ne sont pas les mêmes en termes de pouvoir, mais leur engagement et leur responsabilité au regard de notre pays est de même nature. De plus, il est inconcevable qu'on interdise encore à des élus du peuple de contrôler l'action de l'exécutif, car telle est bien leur mission.
Aujourd'hui, nous allons donc, en partie, mais en partie seulement, tâcher de corriger cette anomalie de l'histoire.
Comme ce projet est loin d'être parfait, le groupe socialiste souhaite lui apporter quelques améliorations, des améliorations responsables, dans le seul but de permettre à des élus, eux-mêmes en situation de responsabilité, d'avoir une meilleure approche des problématiques rencontrées dans le fonctionnement des services.
Nous savons cependant que, dans ce domaine, le mieux peut être l'ennemi du bien et que nous devons, en premier lieu, garantir à cette mission de contrôle le caractère secret de ses travaux. Elle doit cependant en débattre avec les autorités directement responsables afin de trouver des réponses à des questions qui pourraient être soulevées à travers le rapport remis aux plus hautes autorités de l'État.
Nous savons bien que la circulation d'informations secrètes, en dehors du cercle de ceux qui ont à en connaître pour des raisons de service, nous fait courir le risque, inconcevable, de mettre en péril des intérêts de notre pays. Mais le risque de ne rester que des témoins sourds et muets est lui aussi contraire à la mission de contrôle du Parlement.
C'est donc un subtile équilibre que nous devons rechercher avec toutes les mesures de protection dont nous devons nous entourer, pour assurer ces missions.
Le projet actuel, je le dis en toute sincérité, ne comporte pas ce nécessaire équilibre entre le souci impérieux de préserver les secrets de la défense des intérêts de notre pays, et l'exercice d'un contrôle parlementaire parfaitement assuré en toute responsabilité. Même si on peut nous objecter que cette situation idéale d'équilibre ne peut exister, il nous appartient, dans notre pratique de démontrer le contraire. Pour cela, nous avons besoin d'un cadre juridique adapté aux exigences de la situation.
À l'examen de nos amendements, nous verrons que nous pouvons, avec esprit de responsabilité, aller plus avant dans la construction d'une relation nouvelle entre services de l'exécutif et contrôle du législatif.
Quelques moyens d'information seront nécessaires à cette délégation, sans bouleverser l'équilibre du projet. Car, si d'emblée, à travers un texte où subsisterait une once de suspicion, nous ne permettons pas l'instauration de relations de confiance, ce projet ne servira à rien, ni pour les services ni pour le Parlement. Nous passerions alors à côté d'une évolution responsable, et nécessaire, de nos institutions.
Permettez-moi aussi d'évoquer d'emblée, la place de l'opposition dans ce nouveau dispositif. Puisqu'il s'agit d'une délégation assurant le suivi de l'activité générale et les moyens des services de renseignement, la représentation de l'opposition et de la majorité devrait être paritaire. Pour l'une comme pour l'autre, il est question non pas d'y prendre le pouvoir, mais de veiller à exercer au mieux une mission d'intérêt général de la République.
Un équilibre des représentations, aujourd'hui comme demain, permettrait de ne pas mettre sur cette mission parlementaire un enjeu politicien de circonstance. Ce serait de bon aloi et cela rassurerait certains milieux un peu hermétiques aux jeux politiciens auxquels nous sommes rompus en d'autres circonstances mais desquels nous devons nous dégager s'agissant de cet enjeu.
Aussi, monsieur le secrétaire d'État, j'espère que ce débat va nous permettre de tourner une page de notre histoire. Le renseignement, activité protégée par le secret, n'a pas toujours eu si bonne réputation, en effet, alors pourtant qu'il est essentiel à la défense des intérêts de notre pays.