Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de l'examen par le Parlement du projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs puisque nos collègues sénateurs ont approuvé, ce matin, les conclusions de la commission mixte paritaire qui s'est réunie mardi dernier.
Peu de questions, il faut le souligner, restaient à clarifier entre les deux assemblées à l'issue des premières lectures, ce qui explique que les débats de la commission mixte paritaire, tout en étant bien sûr de qualité, n'aient pas été très longs.
Avant d'en venir au texte adopté par la CMP, je voudrais brièvement revenir sur la philosophie générale de ce projet de loi.
Je voudrais d'abord rappeler, s'il en était besoin, que ce projet n'est pas un texte répressif de plus, qui viserait à aggraver les peines à l'encontre des récidivistes ou des multirécidivistes, c'est un texte qui a comme objectif, comme nous avions commencé à le faire dans le droit-fil des conclusions de la mission d'information de la précédente législature, à mieux encadrer la récidive, à mieux la prévenir et finalement, pour reprendre une formule de Mme la ministre, à créer un véritable statut pénal de la récidive et, malheureusement, puisqu'il faut utiliser le terme, de la multirécidive.
Affirmer que les peines minimales instaurées par le texte sont des peines automatiques est une erreur, pour ne pas dire plus. En effet, le texte est explicite et ce point a fait l'objet de longs débats, la liberté du juge de prononcer une peine dans le cadre du principe constitutionnel d'individualisation est intégralement maintenue, même si, comme l'avaient fait à un moindre degré les précédents textes de loi sur le sujet, une gradation de la réponse pénale en fonction de la récidive est bien instaurée – c'était une préoccupation du Gouvernement et des parlementaires.
De même, ce projet ne met pas fin au statut particulier de la justice des mineurs. Aucun des grands éléments fondateurs de la justice des mineurs, en particulier l'ordonnance de 1945, n'est remis en cause.
Certes, ce texte traduit la volonté du Président de la République, très clairement approuvée par le peuple français lors de la dernière élection présidentielle, de bien marquer à l'attention des mineurs récidivistes de seize à dix-huit ans que la réponse pénale doit être mieux appropriée qu'elle ne l'est aujourd'hui à leur comportement délictuel et quelquefois, malheureusement, criminel. Mais en aucun cas l'atténuation de la peine, ce que l'on appelle l'excuse de minorité, n'est supprimée et si celle-ci est mieux encadrée, ce que la majorité présidentielle et parlementaire souhaitait, rien dans ce texte n'empêche le juge de prononcer la peine qu'il estime nécessaire au regard de la personnalité du jeune.
Enfin, si ce texte vise à généraliser l'injonction de soins, en aucun cas le juge ne sera lié par les résultats de l'expertise, et il ne pourra pas non plus prononcer une injonction de soins dont le bien-fondé n'aura pas été validé par une expertise.
J'ai tenu à rappeler ces points pour bien montrer que toutes les caricatures qui ont été faites du texte sont injustes.
Nous avons voulu, et ceci est important, aller au bout de la réflexion qui avait été engagée à la faveur des textes précédents, en matière de récidive et en particulier pour les récidives les plus graves. Je rappelle en effet que ce texte concerne les actes criminels et délictueux suffisamment graves pour encourir une peine de privation de liberté de trois ans. Les actes délictuels qui pourraient relever de l'état de récidive mais dont le quantum de peine est inférieur à trois ans de privation de liberté ne sont pas visés par le texte.
Cela ne veut pas dire que ce projet a une portée limitée. Il vise à mieux prévenir, à mieux punir, et à adresser un signal beaucoup plus clair en direction des auteurs d'infractions ainsi qu'en direction des victimes de ces délits et crimes, qui avaient tendance, dans notre pays, à être trop souvent oubliés par la justice.
Cela étant rappelé, que restait-il en discussion entre l'Assemblée nationale et le Sénat avant la commission mixte paritaire ? En fait, très peu de choses : l'article 2 bis, qui avait été créé par le Sénat, et l'article 2 ter.
L'article 2 bis tendait à rendre obligatoire et automatique l'enquête de personnalité, à l'initiative du procureur, chaque fois que devait être relevé l'état de récidive.
Le débat que nous avions tenu ici nous avait conduits à supprimer cet article 2 bis. La commission mixte paritaire, sur ma proposition, a maintenu cette suppression. Nos collègues sénateurs, et en particulier le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, et le rapporteur, François Zocchetto, se sont rendus à nos arguments, concluant eux-mêmes d'ailleurs que la portée de cet article risquait d'être non seulement limitée mais de surcroît aléatoire et malencontreuse et qu'il valait mieux s'en tenir à la loi existante.
C'est la raison pour laquelle, comme probablement le rapporteur du Sénat l'a fait ce matin, madame la ministre, je voudrais, au nom de la CMP et singulièrement des députés qui y siégeaient, attirer votre attention sur la nécessité d'appliquer l'article 41 du code de la procédure pénale. Nous avons en effet fait valoir, et d'ailleurs personne n'a refusé de nous entendre en CMP, que la plupart des interrogations à propos de l'article 2 bis étaient couvertes par l'application, à condition qu'elle soit bien menée, cet article 41. Celui-ci s'applique bien en cas de comparution immédiate et en cas de comparution à délai rapproché, ce qui répond à l'une des préoccupations de nos collègues sénateurs. Nous avons estimé en CMP qu'il n'était pas besoin d'écrire dans la loi qu'il fallait appliquer la loi. Mais il reviendra probablement à la chancellerie de bien rappeler aux parquets les dispositions de l'article 41. Nous y tenons, madame le garde des sceaux, mais je sais que vous suivrez notre requête, dans la mesure où si nous nous sommes mis d'accord pour supprimer cet article 2 bis, c'était bien dans l'optique qu'il soit rappelé aux parquets cette nécessité d'appliquer la loi.
Sur l'article 2 ter, nous avions manifesté le souci que la rédaction du Sénat soit revue parce qu'elle nous semblait poser des problèmes que nos collègues sénateurs n'avaient pas anticipés. Nous avions nous-mêmes adopté une rédaction dont nous savions très bien qu'elle pouvait et même qu'elle devrait probablement être reprise en CMP.
François Zocchetto a proposé à la CMP une rédaction qui répondait à la fois à la volonté sénatoriale et à notre souci d'amender le texte. La CMP a adopté une rédaction qui est encore meilleure que celle qui lui avait été proposée. La rédaction de l'article 2 ter qui a finalement été retenue est sans doute la meilleure à laquelle on pouvait parvenir, s'agissant de l'avertissement adressé par le président de la juridiction au coupable et donc au condamné, sur les conséquences d'une récidive ou, pire, d'une multirécidive.
Je voudrais conclure en vous remerciant, madame la ministre, de la disponibilité dont vous avez fait preuve tout au long de ces travaux par rapport aux observations de chacun des membres de notre assemblée dans la discussion générale, mais également en réponse à chacun des amendements, que notre assemblée les ait adoptés ou qu'elle ne les ait pas retenus.
Je souhaite que ce texte nous permette d'avancer dans la prévention de la récidive. Pour ma part, et je suis persuadé que la majorité de cette assemblée partagera mon point de vue, je crois que le texte équilibré mais déterminé que vous nous avez proposé, enrichi par nos réflexions et nos travaux, atteindra ses objectifs. C'est la raison pour laquelle, au nom de la commission mixte paritaire, j'invite notre assemblée à adopter le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)