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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 11 juillet 2007 à 9h30
Travail emploi et pouvoir d'achat — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac :

Ils resteront possibles et nous connaîtrons les errements que nous avons déjà connus, tout simplement parce que ceux à qui Mme la ministre suggère d'élaborer des critères sont ceux-là mêmes qui ont déjà accordé ces rémunérations extravagantes et qui ne manquent ni de moyens ni d'imagination. Rien ne changera en la matière et la parole du candidat ne sera pas respectée. Les propos que nous avons entendus sont sympathiques, mais ils ne reposent pas sur la moindre réalité. En toute hypothèse, on ne saurait compter sur cette mesure pour relancer la consommation et obtenir ce point de croissance dont nous avons besoin, sauf à ce que notre pays continue à s'endetter dans des proportions tout à fait inquiétantes.

Une deuxième mesure sympathique concerne les étudiants. J'ai cru comprendre en commission que 80 millions d'euros y seraient consacrés en année pleine, alors qu'en séance publique on nous a annoncé 40 millions. Voilà une nouvelle preuve d'improvisation, que je regrette, pour un texte qui va coûter de 15 à 18 milliards d'euros et qui aurait nécessité un travail en commission beaucoup plus fouillé et minutieux. Aucun distinguo n'est fait entre étudiants autonomes et étudiants rattachés à un foyer fiscal. On peut comprendre que la collectivité aide des collégiens, des lycéens, des étudiants, qui sont contraints d'exercer une activité professionnelle pour financer leurs études. Mais que dire de ceux qui sont rattachés à un foyer fiscal relevant de la tranche marginale de l'impôt sur le revenu ? Cette défiscalisation massive, que va-t-elle leur apporter qu'ils n'aient déjà ? Ce coût, même s'il est relativement modeste, je n'en vois pas la légitimité. Ne comptez pas non plus sur cette mesure pour augmenter la consommation et obtenir un gain de croissance permettant un désendettement et le financement du programme que vous souhaitez mettre en oeuvre.

Comme troisième mesure, nous avons le bouclier fiscal, pour 800 millions d'euros. Nous ne connaissons pas dans le détail – Mme la ministre vient elle-même de le dire – les effets du bouclier fiscal à 60 % que, déjà, on nous demande de voter au pas de charge un bouclier fiscal à 50 % ! On espérait 100 000 bénéficiaires, ils sont moins de 2 000 ; on estimait le coût à 450 millions d'euros, il sera finalement de 100 millions d'euros. Certes, 100 millions d'euros dépensés au lieu de 450 millions, c'est une bonne nouvelle, mais moins de 2 000 bénéficiaires contre 100 000, c'en est une mauvaise. Qu'espérez-vous donc de ce pouvoir d'achat considérable que vous vous apprêtez à accorder à des gens qui ont déjà tout ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Rien !

Nous n'aurons ni croissance supplémentaire, ni moyens supplémentaires et pas de marge dans les finances publiques supérieure à celle dont nous pouvons d'ores et déjà disposer. Rien ne sera obtenu de surcroît. Il aurait fallu, à tout le moins, attendre une évaluation objective par la commission du bouclier fiscal à 60 % avant de se précipiter sur un bouclier fiscal à 50 %.

La quatrième mesure est l'exonération des droits de succession. Ils étaient quatre Français sur cinq, neuf conjoints sur dix à être totalement exonérés. Vous voulez qu'ils soient cinq sur cinq et dix sur dix. Vous êtes majoritaires, et ces dispositions seront votées. Le coût en sera d'un peu moins de 1 milliard d'euros. Les finances commencent déjà à souffrir. Là encore, qu'espérez-vous de cette redistribution massive de pouvoir d'achat vers une catégorie de la population qui ne vit pas – nous venons de parler du RSA – dans les conditions les plus pathétiques et les plus tragiques ? Il ne s'agit pas, naturellement, d'opposer les uns aux autres, ceux qui sont dans la misère ou dans le besoin et ceux qui nagent dans l'opulence, ce qui, après tout, peut parfois être mérité. Il n'y a pas de jugement moral à porter en la matière. Mais en tant que comptable des finances publiques, la représentation nationale n'est-elle pas fondée à s'interroger sur l'opportunité de voter dans la précipitation cette mesure de 1 milliard d'euros dans l'espoir d'une croissance supplémentaire ? Ce choc fondateur, cette rupture que vous appelez de vos voeux ne contribueront-ils pas, en fait, à rompre le mur de la dette que l'on veut infranchissable ?

La déductibilité des intérêts d'emprunt pour la résidence principale est la cinquième mesure. Sur ce sujet, il y a eu un changement curieux, presque insidieux, de discours de la part du Gouvernement et de nos collègues de la majorité. C'était, d'abord et avant tout, une mesure d'incitation à l'accession à la propriété. Qui ne souscrirait pas à cela ? Chacun sait dans quelle incertitude se trouvent les familles qui, n'étant pas propriétaires, se demandent de quoi demain sera fait. Or ce n'est plus une mesure d'accession à la propriété, c'est purement et simplement une mesure de pouvoir d'achat : 1,8 milliard d'euros l'année prochaine, 3,2 milliards en vitesse de croisière. Ce pouvoir d'achat, à qui sera-t-il distribué ? On ne le sait pas. Quelle proportion de la population au regard des revenus va en profiter le plus ? On ne sait pas. Que vont faire de cette aubaine les foyers qui ont déjà contracté des emprunts et qui n'avaient pas eu besoin de cette incitation ? On ne sait pas.

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