La création d'une carte de résident de dix ans attribuée aux étrangers qui «apportent une contribution économique exceptionnelle à la France » consacre le droit des plus nantis. Cette disposition symbolise une vision utilitariste et mercantile des personnes considérées comme des marchandises. Par ailleurs, elle établit une hiérarchie entre les étrangers selon que leur « apport » est d'ordre intellectuel ou pécuniaire. Cette mesure est d'autant plus contestable qu'elle s'inscrit, au fil des différentes lois sur l'immigration, dans un contexte de précarisation de la grande majorité des étrangers les plus pauvres.
Quels sont les étrangers concernés par cette carte délivrée pour une contribution économique exceptionnelle ? Comme l'indique l'exposé des motifs, elle pourra être attribuée aux PDG de filiales étrangères établies en France et aux grands investisseurs individuels. Par ailleurs, le dossier d'explication du projet de loi établi par le ministère de l'économie et des finances précise que seront concernés par cette carte les dirigeants de grandes entreprises ou les personnes ayant démontré un savoir-faire entrepreneunarial hors du commun, telles celles ayant fait croître une start-up ou les anciens cadres dirigeants exerçant une activité de conseil. À la lecture du dernier exemple donné, cette carte semble faite sur mesure. Une fois de plus ce dispositif s'inscrit dans une vision au cas par cas, chère au ministre de l'immigration.
Le dossier d'explication du projet précise de plus que : « l'essentiel est que la venue en France de ces personnes constitue un plus pour le dynamisme économique du pays, en raison de leur expérience, de leur dynamisme, de leur talent ou tout simplement de leur notoriété. » Est ainsi créée la première carte de résident attribuée sur un critère de « notoriété » par les agents de l'État, tels que les préfets. Cette carte est en réalité un droit donné aux plus riches. Alors qu'il est de plus en plus difficile d'obtenir une carte de résident de dix ans après des renouvellements successifs de la carte temporaire – véritable parcours du combattant – ce projet de loi crée une carte « coupe-file ». En effet, elle est accordée sans condition de durée de séjour préalable, dérogeant à la règle générale qui exige de l'étranger une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France pour se voir délivrer une carte de résident de dix ans : c'est l'article L.314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
À titre d'exemple, pour obtenir une carte de résident lui permettant de dispenser un enseignement de niveau universitaire, un étranger doit justifier d'une résidence de cinq ans ininterrompue, posséder une carte temporaire «scientifique», lorsque « l'ancien cadre dirigeant exerçant une activité de conseil » aura accès à une carte de dix ans sans aucune condition de séjour préalable. C'est le règne de l'argent contre celui de la construction de la pensée !