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Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Réunion du 9 juin 2008 à 21h30
Modernisation de l'économie — Article 32

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec :

En vertu de l'article 32, « L'étranger qui apporte une contribution économique exceptionnelle à la France peut, sous réserve de la régularité du séjour, se voir délivrer la carte de résident. » Or une telle carte est valable dix ans. Pour le titulaire d'une carte de séjour temporaire, elle représente, pour être obtenue, des démarches répétées, de multiples formalités et surtout des années d'attente. C'est donc une carte de grande valeur. Or elle sera donnée ici sans condition de séjour préalable. De surcroît, le dernier alinéa ouvre la possibilité de délivrer une carte de résident permanent à l'expiration de cette première carte.

Cette disposition incroyable revient donc à créer un droit de l'accueil fondé exclusivement sur l'utilitarisme, au risque d'entacher l'image de la France dans le monde.

Le dossier d'explication de la loi de modernisation de l'économie nous donne quelques précisions à ce sujet : « l'essentiel est que la venue en France de ces personnes constitue un “plus” pour le dynamisme économique du pays, en raison de leur expérience, de leur dynamisme, de leur talent ou tout simplement de leur notoriété. » Parmi les critères permettant d'attribuer une carte de résident figure donc la notion de notoriété. Je suis impatient de savoir comment elle sera appréciée !

En mettant en regard cette disposition avec celle de la loi de juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, qui créait la carte « compétences et talents », une intéressante classification se fait jour. Rappelons que « la carte de séjour “compétences et talents” peut être accordée à l'étranger susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique ou au rayonnement, notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la France et du pays dont il a la nationalité. » Or tout cela, mes chers collègues, ne vaut que trois ans. Aujourd'hui vous faites monter les enchères, madame la ministre, et vous créez, en matière de titre de séjour, la carte gold !

Ce n'est certes pas nous qui critiquerons le fait de donner à certains étrangers la possibilité de venir en France, bien au contraire. Comme M. de Rugy, je pourrais évoquer le cas d'une femme menacée de mariage forcé – en Turquie, cette fois. Je me bats pour que le ministre accepte de faire un geste, pour qu'il admette qu'une telle situation justifie d'accorder le statut de réfugié.

Le problème vient de votre conception du droit des étrangers de plus en plus utilitariste. Il y a six mois, vous vous seriez défendus de vouloir en arriver là. Mais vous y venez ! Quand on pense à tous ceux auxquels on mégote un titre de séjour, auxquels on fait supporter d'incessantes formalités et de longues files d'attentes, comme à la préfecture du Val-de-Marne – M. Gosnat peut en témoigner –, c'est une honte de fournir, avec cette carte gold, une solution à ceux qui n'en ont pas besoin.

C'est scandaleux. Avec un tel droit des étrangers, la France se voile petit à petit de noir. Dans l'état actuel de l'économie mondiale, nous devons venir en aide aux pays les plus défavorisés, au lieu de nous contenter de déclarations d'intention. Nous savions que cela arriverait ! Nous l'avons dénoncé en juillet 2006 et à l'automne dernier. Je suis désolé de vous le dire, madame Lagarde, mais on vous fait faire, à cette occasion, de basses oeuvres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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