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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 6 mai 2009 à 15h00
Compensation des charges transférées aux collectivités territoriales — Débat d'initiative parlementaire

Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, si j'ai bien compris, ce débat d'initiative parlementaire est une première. Nous allons donc tenter d'instaurer des règles pour permettre le contrôle bien légitime du Parlement et pour tenter aussi, dans un climat serein et constructif, de mieux travailler ensemble.

Le sujet du présent débat a été bien choisi, puisqu'il s'agit de la décentralisation, qui recueille l'adhésion de tous, malgré les nombreux problèmes qui restent à résoudre – nul ne les niera et nous sommes là pour en parler.

Nous sommes, d'abord, unanimes à reconnaître que depuis quarante ans, la décentralisation a permis de véritables avancées pour le citoyen comme pour l'action publique.

Au citoyen, elle a procuré des interlocuteurs de proximité, des réponses mieux adaptées à ses attentes quotidiennes, et souvent un service public de meilleure qualité. Il le constate pour ce qui est des transports, de la construction et de l'entretien des collèges et des lycées, de la politique d'insertion.

L'action publique s'en est trouvée plus efficace, la démocratie locale renforcée.

La décentralisation est donc un succès, dû à la mobilisation de tous : les collectivités, bien sûr, se sont totalement investies et ont su adapter leur organisation et leurs modes d'action aux compétences qui leur ont été transférées. L'État a également joué son rôle et, je le répète, a tenu ses engagements constitutionnels et parfois au-delà. La compensation financière a été intégrale : les collectivités ont reçu le montant des ressources que l'État consacrait aux mêmes compétences avant leur transfert.

Ce transfert a été contrôlé. La commission consultative sur l'évaluation des charges, composée à parité d'élus et de représentants de l'État, a donné un avis favorable à la quasi-totalité des transferts.

De même, sans doute n'est-il pas inutile de le souligner ici, le principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités a été respecté : 94 % des ressources transférées l'ont été sous la forme de ressources fiscales, notamment la taxe intérieure sur les produits pétroliers et la taxe spéciale sur les contrats d'assurance.

Mais des inquiétudes se sont fait jour sur l'évolution des charges et des compensations. Je n'ignore pas cette réalité.

Ainsi, il est certain que le vieillissement de la population pèsera sur le coût de l'allocation personnalisée d'autonomie. C'est pour apporter des solutions à de tels problèmes que le Gouvernement a décidé d'ouvrir le chantier du cinquième risque.

S'agissant du RMI, un fonds de mobilisation départementale pour l'insertion a été mis en place dès 2005 pour une durée de trois ans et doté de 500 millions d'euros par an. J'ai obtenu, avec Éric Woerth, qu'il soit reconduit cette année.

Nous prenons donc bien en compte le fait que des évolutions démographiques, sociologiques ou conjoncturelles augmentent le coût des charges transférées pour les collectivités territoriales.

De même, la mise en place du RSA s'accompagne d'une clause de réexamen liée à l'évolution des charges. C'est la première fois dans toute l'histoire de la décentralisation qu'un tel dispositif est prévu.

Mais si ces questions financières sont un aspect essentiel de la décentralisation, je ne voudrais pas qu'on s'y limite. La compensation du transfert de charges s'inscrit dans un débat plus large sur la relation globale entre l'État et les collectivités.

Je l'ai dit à un certain nombre d'entre vous, notamment lors de mes contacts avec les associations d'élus locaux, j'ai une conviction en la matière : c'est que cette relation évoluera en fonction de notre capacité à établir la confiance et une véritable clarté dans les rapports entre l'État et les collectivités, de la région et du département aux communes et à leurs communautés.

Que nous ayons parfois des difficultés, des désaccords, c'est presque normal, car les intérêts peuvent diverger. Mais réfléchir et discuter sur ces bases sincères et claires est essentiel pour faire progresser la démocratie.

Oui, je le crois sincèrement, établir un partenariat de confiance entre l'État et les collectivités est une nécessité.

Cela implique d'abord une meilleure association dans les instances de pilotage et de décision. C'est l'enjeu de la conférence nationale des exécutifs, mise en place l'année dernière par le Gouvernement, sous la présidence du Premier ministre. C'est aussi le sens de la commission consultative d'évaluation des normes, que j'ai installée en octobre dernier et qui, préalablement à l'entrée en vigueur des textes, contrôlera à la fois la nécessité et le coût des normes imposées aux collectivités territoriales. Plus d'une fois, en tant qu'élue locale, j'ai constaté que nous supportions des dépenses non en raison d'une nouvelle charge spécifique, mais simplement d'un changement de normes dont on s'apercevait, au moment de le mettre en oeuvre, qu'il impliquait des travaux très importants. En tant que ministre, je n'ai pas souhaité que ce type de rapports se poursuivent. Faire appliquer telle ou telle norme en matière de sécurité ou autre peut être indispensable, certes. Mais il faut en discuter avant de les appliquer, pour savoir quelles dépenses elles représentent, si c'est la meilleure solution ou s'il peut y en avoir d'autres.

Fondé sur la confiance, le partenariat entre État et collectivités doit aussi reposer sur la clarté. Plus de lisibilité, c'est plus d'efficacité dans l'action des collectivités territoriales et dans la répartition des rôles entre elles et l'État dans différents domaines. C'est l'enjeu de la réforme des collectivités territoriales qui va se faire sur la base des travaux du comité présidé par M. Balladur.

Sur tous ces sujets, j'ai déjà engagé une large concertation avec toutes les associations d'élus. Depuis début avril, j'ai réuni trois ateliers, sur le thème de l'intercommunalité, des métropoles et de la clarification des compétences. Nous avons abouti à de premiers résultats dans un climat consensuel.

Ainsi, il est nécessaire de mener à bien certaines évolutions, comme le passage à l'intercommunalité. Il faut également identifier des blocs de compétences cohérents, et d'abord déterminer des principes pour définir ces blocs de compétences – décider par exemple que la région a un rôle pilote pour le développement économique et la planification, le département pour la solidarité sociale et territoriale.

Le consensus s'est fait également sur le besoin de promouvoir des chefs de file, aspect dont il faudra préciser les modalités concrètes et la traduction juridique. Il faudra bien sûr adapter l'importance des services de l'État : leur présence n'est plus nécessaire quand une compétence a été totalement transférée à une collectivité territoriale, en dehors du contrôle de légalité.

Nous avons donc encore bien des sujets à traiter, même si nous avons déjà avancé dans un esprit constructif et consensuel. Je réunirai à nouveau les associations au cours du mois de mai. La concertation se poursuivra jusqu'à l'été. Un projet de loi sera alors élaboré, puis débattu au Parlement cet automne.

Pour ce débat, qui est une première dans nos relations, je voulais simplement rappeler un certain nombre de grands principes.

Bien des choses ont été dites sur la compensation des charges liées à la décentralisation. Tout n'est pas faux. Tout n'est pas totalement vrai non plus. Nous sommes ici également pour faire la part de ce qui est vrai et de ce qui ne l'est pas. En tout cas, je suis heureuse de participer à ce débat, avec Éric Woerth, pour dissiper les malentendus.

Le dialogue, la transparence, l'écoute : c'est ainsi que nous construirons ce partenariat de confiance qui permettra d'améliorer les relations entre l'État et les collectivités territoriales, sur l'objectif qui nous est commun, celui de mieux servir nos concitoyens et l'intérêt général, celui de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

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