À l'impossible nul n'est tenu, madame la présidente ! (Sourires.)
Toujours est-il que les propos inspirés du fils spirituel d'Aimé Césaire auront capté notre attention. Nous avons célébré le poète au moment de sa disparition, soyons maintenant fidèles à sa mémoire dans les actes. C'est encore mieux.
Nous terminons en apothéose avec cet article qui a largement défrayé la chronique. Et pour cause, il s'agit de refondre la loi Raffarin de 1996, qui restreint l'implantation des surfaces commerciales de plus de 300 mètres carrés en exigeant une autorisation spéciale. Cet article propose d'élever le seuil à partir duquel l'autorisation spéciale délivrée par la commission départementale d'équipement commercial sera nécessaire avant toute implantation des grandes surfaces. Ce seuil serait porté de 300 à 1 000 mètres carrés.
Pourquoi cette mesure ? Les détracteurs de la loi Raffarin disent qu'elle a surtout empêché le développement du hard discount en France. Ainsi, en 2006, celui-ci ne détenait que 13 % du marché hexagonal contre 35 % en Belgique, 40 % en Allemagne et 50 % en Norvège. Mais gardez-vous de vous servir de l'exemple des pays étrangers quand cela vous arrange car le mimétisme n'a jamais été une bonne politique. Ce qui a fait les grands moments de l'histoire de France, c'est précisément lorsque elle a montré le chemin plutôt que lorsque elle suivi celui des autres comme un troupeau de moutons.
Vous prétendez que, depuis sept ans, le développement normal de la grande distribution est bloqué en France, faute de nouvelles autorisations d'implantation. Cependant, certains analystes soulignent que si le flux de nouveaux mètres carrés s'est effectivement réduit, c'est davantage en raison de la saturation de la croissance que du cadre réglementaire, qui s'est montré en fait peu dissuasif. Nous sommes déjà le pays le plus saturé en termes de densité commerciale. Ainsi, si le hard discount représente une part de marché plus élevée dans des pays comme l'Allemagne, c'est justement parce qu'il y a très peu d'hypermarchés outre-Rhin.
Compte tenu de la densité du parc commercial français existant, l'entrée de nouveaux acteurs semble aujourd'hui impossible, à moins qu'ils ne rachètent le réseau actuel ou qu'ils ne le fassent couler. Mais faut-il vraiment que de nouveaux acteurs viennent sur le marché de la distribution ? Ceux-ci entraîneraient nécessairement une perte d'activité pour le secteur de la grande distribution, ainsi que pour les autres modes de distribution alimentaire, les supérettes, les petits commerces indépendants, etc. Les dépenses des ménages ne se mettront pas à croître du simple fait que l' offre de distribution est plus large alors que le pouvoir d'achat se réduit.
En définitive, ce sera bien la guerre du commerce, et la concurrence vers le bas, avec une pression à la baisse sur les salaires, une pression sur le temps de travail pour dégager de nouvelles marges sur la masse salariale et adapter les prix, avec une pression sur les conditions de travail, qui sont déjà épouvantables, comme les salariés de la distribution en ont fait la démonstration ces derniers mois à travers les mouvements sociaux qu'ils ont lancés. Et je n'oublie pas le risque de difficultés croissantes pour les autres secteurs de distribution du commerce alimentaire.
Les économistes sont d'avis qu'une concurrence accrue dans la grande distribution devrait détruire des emplois. Car, comme l'a dit Serge Letchimy, il ne suffit pas de parler des emplois que l'on va créer, il faut aussi évoquer ceux qui vont être supprimés. En effet, la productivité dans la grande distribution est supérieure à celle du petit commerce, remarque une économiste de l'OFCE. La CGMPE a, de son côté, démontré qu'à chiffre d'affaires égal, le commerce de proximité créait trois fois plus d'emplois que les grandes surfaces et pas forcément des emplois de moins bonne qualité, étant donné la qualité des emplois dans les grandes surfaces. La loi aura donc un impact négatif sur l'emploi, au moins à court terme.
Tout cela n'est pas spécialement « moderne », vous en conviendrez. Il est vrai que vous utilisez volontiers cet adjectif dès lors qu'il s'agit de masquer des coups tordus. Nous avons donc déposé plusieurs amendements de suppression d'alinéas de cet article.
Enfin, permettez-moi de souligner la contradiction qui existe entre votre discours sur l'environnement et la multiplication des grandes surfaces à la périphérie des grandes villes, qui imperméabilisent les sols et qui sont seulement accessibles en voiture.
Avec votre article 27, ce qui se profile, c'est le risque de voir des supermarchés s'installer en surnombre dans les petites villes. C'est aussi le risque que les élus soient largement dessaisis de l'urbanisme de leur commune et que les commerces de proximité, qui ne vont déjà pas très bien, soient mis à mal.