…les centrales d'achat des grandes enseignes recourent à l'importation et au stockage préventif pour faire chuter les cours des produits de l'Hexagone dès leur mise sur le marché. Or je ne vois rien dans ce projet de loi qui soit susceptible de mettre fin à ce racket.
Prenons un autre sujet au coeur de l'actualité : depuis plusieurs mois, les éleveurs de porcs se ruinent, car les prix des aliments composés qu'ils achètent pour produire de la viande ont augmenté de plus de 40 %, alors que celui du porc ne cesse de baisser. Cette baisse, favorisée par une légère surproduction européenne, permet aux grands distributeurs de faire pression sur les abattoirs, en jouant sur les importations intracommunautaires pour gonfler leurs marges. Cette politique prédatrice s'accompagne de quelques opérations de promotion aux effets souvent pervers, dans la mesure où elles détournent certains consommateurs de la viande porcine quand les prix promotionnels disparaissent. Ce qui se passe à propos du porc donne une idée de ce qu'il adviendrait des prix payés aux producteurs français en cas d'accord de réduction des tarifs douaniers agricoles à l'OMC pour d'autres produits.
Si l'on veut la transparence des prix, il faut se donner les moyens de contrôler les marges de chaque intervenant, d'un bout à l'autre de la chaîne. Bien que nous ayons voté un texte permettant d'instituer un coefficient multiplicateur en cas de chute des prix à la production, cette mesure n'a pas été mise en oeuvre l'été dernier, parce que Bercy craignait de déplaire aux grandes enseignes ! Votre projet de loi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, ne donne aucun moyen pour contrôler les marges des distributeurs, et celui, à venir vise bien au contraire à leur donner encore plus de pouvoir, alors qu'ils en ont déjà trop.
Dans une tribune récente, publiée par un excellent journal, L'Humanité (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), dans le cadre d'un débat contradictoire sur les prix à la consommation, le président de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution, M. Bédier, déclarait à propos de la réforme dont nous débattons aujourd'hui et de celle qui doit lui succéder : « peut-être n'empêcherons-nous pas certaines hausses de prix, mais les acteurs auront la capacité de négocier les prix les plus compétitifs du marché ». Jérôme Bédier ajoutait que la réforme de la loi Galland « faciliterait la négociation avec les industriels des grandes marques, qui jouissent souvent d'une rentabilité élevée ». C'est exactement ce que vous venez de dire, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, et messieurs les rapporteurs. Mais, comme vous, Jérôme Bédier omet de dire que les distributeurs ont réalisé en 2006 une marge moyenne de 34 % sur les produits achetés à ces fournisseurs puissants et que cette marge s'est élevée à 35 % en 2007 si l'on en croit Olivier Desforges, le président de l'ILEC, l'association de ces gros fournisseurs, à laquelle adhèrent notamment Danone, Nestlé et L'Oréal. En occultant cette dimension, celle du profit maximal, celle de l'argent roi, vous me faites penser à cette expression populaire : « Quand le doigt montre la lune, l'imbécile regarde le doigt » ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)