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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 5 juin 2008 à 15h00
Modernisation de l'économie — Après l'article 12, amendement 728

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Cet amendement propose que soient frappés de nullité les licenciements pour motif économique prononcés par une entreprise qui a installé, au cours des cinq années précédentes, des activités existantes ou nouvelles.

Depuis quelques années, les fermetures d'usine se multiplient dans des secteurs aussi variés que la téléphonie mobile, l'automobile, l'électroménager et bien d'autres produits manufacturés. Les hautes technologies aussi se « repositionnent », à l'instar de Alcatel-Lucent ou STMicroelectronics. Désormais, même sur un marché en croissance tel que l'aéronautique, où, selon l'Airbus Market Outlook, le « trafic mondial de passagers devrait être multiplié par trois entre 2004 et 2023 », il devient « nécessaire », « urgent », « indispensable » que l'on dégraisse – terme délicat s'il en est ! – de 10 000 salariés et que l'on fabrique 50 % des A 350 dans des « pays à bas coût », et pourquoi pas demain 80 % ou 100 % ? Avec Airbus, « secteur d'excellence », « industrie de souveraineté », la course à la compétitivité ne connaît plus de limites !

Le cas d'Airbus est éclairant. Ces délocalisations ne sont pas organisées parce que les entreprises ne peuvent plus, mais bien parce que la logique capitaliste exige qu'elles aient toujours plus. Il faut bien payer les indemnités offertes à M. Forgeard ! Dans le secteur de la mécanique de précision, par exemple, le calcul est vite fait pour les patrons : 14 euros bruts de l'heure en France, 4 ou 5 euros en République tchèque, 1,50 euro au Brésil, 1 euro en Chine.

Notre pays est malade de ces calculs égoïstes à court-terme. Si les profits d'une petite minorité croissent, s'envolent même parfois, la santé économique de nombreux salariés et de territoires entiers est en berne. Dans les cas de délocalisation, les victimes sont les salariés, qui vont chercher un travail ailleurs, mais aussi les petits commerçants, qui ferment. Ces délocalisations, nous l'avons déjà dit, sont des catastrophes économiques et sociales. Elles s'insèrent dans la spirale de la course au moins-disant à l'échelle mondiale, au mépris du droit au travail, ainsi que des droits fondamentaux d'autres êtres humains vivant – survivant plutôt – à l'autre bout de la planète avec quelques dollars par mois.

C'est parce que les gouvernements des nations occidentales se sont lancés à corps perdu, avec un coup d'accélérateur dans les années 80, dans la dérégulation du commerce mondial que de telles injustices sévissent. Nous sommes de ceux qui pensent que ce que les gouvernements ont fait, ils ont le pouvoir de le défaire. Notre pays, dit « des droits de l'homme », devrait être le fer de lance de cette lutte. Nous devrions également initier, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, une réflexion sur les règles communes que nos entreprises devraient respecter pour que soit mis fin aux délocalisations. J'en profite pour saluer la bataille menée par les ouvriers de Dacia, qui contribuent à corriger les conséquences des politiques que vous avez décidées. Comme quoi, la lutte des classes a du bon !

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