Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, mes chers collègues, ce texte en faveur des revenus du travail a l'air anodin en apparence : cinq articles et pas de mesure spectaculaire, ce qui explique sans doute la discrétion des médias à son sujet, contrairement au projet de loi relatif au RSA, dont nous allons également débattre cette semaine. Et pourtant, le texte d'aujourd'hui contient nombre d'éléments positifs. J'aimerais en souligner deux.
Le premier est la volonté de développer l'intéressement dans les PME. Seulement une TPE-PME – moins de 50 salariés – sur dix a mis en place un système d'épargne salariale, avec plus de difficultés pour les TPE de moins de 10 salariés. Autrement dit, 50 % des salariés sont encore écartés des bénéfices de cette forme de rémunération périphérique et différée. Le taux de mise en place dans les TPE-PME est passé de moins de 3 % en 2002 à seulement 3,6 % en 2006.
Dans les PME de plus de 50 salariés, c'est l'obligation de la participation qui provoque la mise en place de l'épargne salariale. Si nombre de TPE-PME n'ont pas d'accord d'intéressement, c'est pour des raisons qui tiennent parfois davantage à l'indifférence, à la méconnaissance du fonctionnement de l'épargne salariale, à une mise en oeuvre complexe ou à un manque de culture managériale qu'à un refus du chef d'entreprise, et ce en dépit des efforts du législateur pour encourager, depuis plusieurs années, l'accès de ces petites entreprises à l'épargne salariale.
Pourtant, ce mécanisme s'inscrit parfaitement dans la logique de l'action de Nicolas Sarkozy : « travailler plus pour gagner plus ». On peut certes augmenter les revenus des salariés en augmentant les salaires, mais cette augmentation n'a aucun lien avec les efforts spécifiques que peuvent réclamer certains types d'activité. L'intéressement, au contraire, lie le supplément de rémunération à des résultats tangibles, que l'on peut faire porter sur des critères adaptés aux besoins de l'entreprise, et qui, souvent, n'ont qu'un lien très indirect avec le résultat financier. On peut prendre des objectifs liés à la qualité, au respect de pratiques écologiques ou de normes de sécurité, bref la palette est très large.
Mais la clé de la réussite de cette mesure tiendra à la manière dont les dirigeants de PME s'approprieront l'outil. Et ce n'est pas gagné d'avance, monsieur le ministre. Le dirigeant de PME manque cruellement de temps. Il est très difficile de capter son attention pour tout ce qui ne touche pas très directement à la bonne marche de son entreprise, et la mise en place d'un accord d'intéressement entre rarement dans les urgences. Ce chef d'entreprise prend rarement le temps de se documenter et, bien souvent, passe à coté de dispositifs qui pourraient alléger ses coûts, lui permettre de créer des emplois ou intéresser ses salariés à la bonne marche de l'entreprise. Dans une petite PME, le dirigeant doit tout faire : il n'a pas de salarié dédié à la veille réglementaire et au montage de dossiers administratifs.
Il est donc absolument indispensable, j'insiste sur ce point, d'aller vers les dirigeants de PME pour les informer et les convaincre de conclure des accords d'intéressement. Si l'on attend derrière le guichet qu'ils viennent se présenter, rien ne se passera. J'en ai fait l'expérience en Haute-Savoie, où la CGPME a monté un PEI, un plan d'épargne interentreprises, clé en mains. Il n'y avait plus qu'à signer, la CGPME s'occupant de toutes les démarches et déclarations. Or, même avec cette simplicité et la garantie apportée par la CGPME, nous avons eu du mal à toucher et à intéresser les patrons de PME. Il faut donc avant tout simplifier les procédures et prévoir un accompagnement des chefs d'entreprise.
L'autre point dont je me félicite est l'affirmation de la conditionnalité des aides de l'État. Je suis assez effaré des montants que celui-ci verse au titre de ses politiques d'intervention, sans véritablement utiliser ces versements comme moyens d'action. Les allégements de charges sur certains salaires sont destinés à faire baisser le coût du travail afin de ne pas pénaliser les entreprises. Mais ils sont versés indifféremment, à tous, sans plus de conditions. Je trouve parfaitement normal que l'État fixe des conditions plus strictes pour les aides qu'il verse, et il m'apparaît indiscutable que l'une des conditions soit le respect de la loi, sous réserve que cela ne débouche pas sur la construction d'une nouvelle usine à gaz.