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Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 22 septembre 2008 à 21h30
Revenus du travail — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Dussopt :

L'interrogation est légitime dans la mesure où ni le paquet fiscal, ni la loi sur le pouvoir d'achat, ni celle – certes encore récente – sur la modernisation de l'économie n'ont encore porté leurs fruits et répondu aux questions des Français sur leur pouvoir d'achat,… si ce n'est pour les plus favorisés.

Nous nous interrogeons non seulement sur l'efficacité de ce texte, mais nous craignons aussi qu'il soit coûteux et trop lourd pour les finances publiques. En effet, l'article 1er prévoit de doubler le montant global de l'intéressement en quatre ans, grâce à un crédit d'impôt de 20 % sur les sommes prévues par les nouveaux accords ou sur les nouvelles sommes accordées dans le cadre de renégociations. L'intéressement représente aujourd'hui 6,5 milliards d'euros. Son doublement aurait un coût d'un peu plus d'un milliard d'euros en quatre ans, soit presque 300 millions d'euros par an. Cela nous paraît beaucoup dans le contexte budgétaire actuel.

De plus, cette mesure nous paraît contradictoire avec d'autres annonces du Gouvernement et notamment celle du 29 juillet dernier, lorsqu'il a manifesté son intention de taxer les sommes versées au titre de l'intéressement et de la participation dans le cadre des mesures de redressement des comptes sociaux. Cette nouvelle taxe représenterait entre 200 et 500 millions d'euros selon les estimations, soit peu ou prou le montant des crédits d'impôts évoqués aujourd'hui.

Vous brouillez les pistes et les entrepreneurs ne s'y retrouvent déjà plus. De l'aveu même de certains d'entre eux, il n'y aurait déjà plus d'intérêt à négocier ces nouveaux accords appelés de vos voeux.

Mesure coûteuse, efficacité à vérifier, annonces contradictoires. Cela fait déjà beaucoup de reproches, mais ce n'est malheureusement pas tout : nous regrettons aussi le caractère discriminatoire de vos propositions. Trop peu de nos concitoyens seront concernés par ces mesures d'augmentation de l'intéressement ou de déblocage des sommes acquises au titre de la participation dans l'année écoulée. Retraités, chômeurs, étudiants, fonctionnaires n'y auront pas accès. De même, nous savons que seulement la moitié des entreprises de plus de cinquante salariés et pas plus de 3 % des entreprises de moins de dix salariés ont signé un accord d'intéressement.

Au passage, nous notons l'amendement présenté par le rapporteur pour avis en commission des affaires économiques : il proposait d'étendre le champ des accords d'intéressement et de participation aux entreprises publiques. Cette proposition va peut-être dans le bon sens mais nous regrettons d'autres amendements visant à étendre ces mêmes accords aux chefs d'entreprise. En l'état, ils manquent de précision, notamment sur une interdiction souhaitable de cumuler le bénéfice de ces accords avec d'autres systèmes de rémunération – le plus connu étant les stocks options, même s'il est évidemment rare dans les entreprises de moins de 250 salariés.

Vous répondrez certainement que les dispositions de ce projet de loi ont pour but d'étendre ces accords aux entreprises n'en ayant pas encore conclu. Malheureusement, nous devons aussi tenir compte du contexte économique, qui n'incite certainement pas à mettre en place de tels accords.

S'agissant de ce contexte, je souhaite aussi vous faire part de nos craintes au sujet du dispositif de déblocage de la participation, même s'il ne porterait que sur les sommes acquises au cours de l'année.

D'une part, cette possibilité encourage les salariés à diminuer ce qui représente souvent la seule épargne de précaution de nombreuses catégories professionnelles parmi les moins bien rémunérées. En commission des affaires économiques, le rapporteur pour avis affirmait : « Il faut savoir ce que l'on veut dans la vie. » Effectivement, vous faite un choix : vous ne proposez pas du pouvoir d'achat en plus à ces salariés, mais simplement de disposer immédiatement d'un pouvoir d'achat déjà acquis mais différé. Finalement, vous leur proposez d'hypothéquer leur avenir en contrepartie d'une promesse d'un éventuel intéressement, en somme d'un droit au rêve, en espérant la prospérité économique et en ne comptant que sur elle.

De plus, le déblocage anticipé de ces fonds aura une conséquence sur la capacité de financement et d'investissement des entreprises. Même si ces sommes ne constituent pas directement des fonds propres pour les entreprises, elles représentent un élément dont les établissements bancaires tiennent compte. La capacité de déblocage de ces fonds nous paraît peu opportune dans un contexte de crise bancaire et de restriction de l'accès au crédit.

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