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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 22 septembre 2008 à 21h30
Revenus du travail — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Si votre loi ne produit pas les effets attendus en termes de stimulation du pouvoir d'achat des ménages, en particulier des plus modestes, elle aura en revanche pour conséquence de fragiliser un peu plus le salaire par rapport aux autres éléments de rémunération, au risque d'une détérioration accrue des comptes sociaux comme de la disparition progressive et programmée des garanties du salaire.

Afin d'inciter les entreprises, et plus particulièrement celles de moins de cinquante salariés, à mettre en place ou améliorer l'intéressement, vous nous proposez dans un premier temps d'instituer un nouveau crédit d'impôt sur les sociétés au bénéfice des entreprises qui concluront à l'avenir un accord d'intéressement, en l'assortissant de quelques mesures transitoires qui permettront notamment aux entreprises qui signeront un accord avant le 30 juin 2009 de bénéficier rétroactivement du crédit d'impôt sur les sommes versées début 2009.

Lors de sa présentation aux partenaires sociaux dans le cadre de la commission nationale de la négociation collective, début juillet, ce dispositif avait été assez vertement critiqué par les organisations syndicales de salariés, qui ont unanimement dénoncé une logique d'aggravation des inégalités et le caractère pour le moins aléatoire de ces substituts de salaires que représentent les primes d'intéressement.

Nous partageons la même opinion. Les dispositifs d'intéressement comme de participation génèrent en effet de nombreux effets pervers.

Premièrement, une individualisation croissante des salaires, dont la part fixe a tendance à se réduire au profit d'éléments individualisés tels que les primes. Cette évolution tend à fragiliser le caractère de garantie collective que constitue le salaire proprement dit.

Deuxièmement, un manque à gagner considérable pour les comptes sociaux, ces primes n'étant pas soumises à cotisations.

Troisièmement, un manque à gagner pour les salariés sur le long terme, puisque ces primes ne sont évidemment pas intégrées dans le calcul de leur retraite.

Vous faites évidemment litière de ces préventions, offrant au contraire aux entreprises l'opportunité de bénéficier d'un nouveau cadeau fiscal, que le Gouvernement ne s'est d'ailleurs pas donné la peine de chiffrer, en dépit de la conjoncture économique et budgétaire. Cette mesure apparaît d'autant plus absurde qu'il aurait été plus simple et moins coûteux de rendre obligatoire la négociation d'accords d'intéressement dans toutes les entreprises, notamment celles de moins de 50 salariés. Il est vrai que vous ne vous montrez guère avares en avantages fiscaux dès lors que les entreprises ou les ménages les plus aisés en sont les premiers bénéficiaires. Outre que nous demanderons au cours du débat que cet avantage fiscal soit supprimé, nous vous proposerons de plafonner le montant des primes d'intéressement à 20% du salaire. Il est en effet indispensable que le salaire conserve son rôle de référent et de socle de la rémunération. C'est la seule garantie.

S'agissant du déblocage permanent de la participation, qui constitue le second volet de votre réforme, vous donnez un nouvel exemple de votre capacité à recycler les recettes les moins efficaces et les plus indigestes de la précédente législature. Le dispositif n'est pas neuf, même s'il faisait jusqu'alors l'objet de mesures transitoires. Dernière péripétie en date : la loi du 8 février 2008 «pour le pouvoir d'achat» qui a permis aux salariés de débloquer, par anticipation, tout ou partie de leurs droits à participation aux résultats de l'entreprise affectés au plus tard le 31 décembre 2007. Un déblocage qui devait bien entendu rester « exceptionnel » !

Notons que le promoteur de ce énième dispositif de déblocage, M. Nicolas Sarkozy, n'avait alors pas fait mystère du souhait de voir cette mesure « remettre du carburant dans la croissance française et du pouvoir d'achat ».

Votre gouvernement et sa majorité misaient alors sur l'injection de 12 milliards dans l'économie. On voit ce qu'il en est advenu. Au final, les salariés ont débloqué leur épargne pour seulement 3,9 milliards. Un tel résultat témoigne de la limite de l'exercice consistant à stimuler le pouvoir d'achat en « autorisant » les salariés à puiser dans leur épargne, quand les plus modestes l'ont déjà épuisée et que les mieux lotis préfèrent la faire fructifier.

Que peuvent bien attendre nos concitoyens des nouvelles mesures que vous proposez en terme de stimulation du pouvoir d'achat et de relance de la croissance ?

Surtout, pourquoi serait-il possible de distribuer du revenu sous forme de dividendes, alors que ce serait exclu sous forme de salaires ?

L'idée que vous défendez souvent, selon laquelle la compétitivité impose la rigueur salariale mais peut s'accommoder de largesses en matière de dividendes, ne s'appuie sur aucun argument économique sérieux, sinon que les rémunérations non salariales ne paient pas de charges sociales, du côté de ceux qui les versent, et paient moins d'impôts, du côté de ceux qui les reçoivent.

A l'échelle d'une entreprise, on peut certes avoir le sentiment d'un jeu gagnant-gagnant, puisque les employeurs acquittent moins de charges et les salariés moins d'impôts, mais ce gain « paritaire » oublie le troisième sommet du triangle, à savoir la protection sociale : ce que l'on paiera en moins comme impôts ou cotisations fera défaut du côté des prestations sociales ou des services publics.

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