Au total, ce grand oeuvre pèche un peu, à la fois par pragmatisme et par ambition, puisque limiter aux seules catégories que je viens de citer le bénéfice de la hausse du pouvoir d'achat est très éloigné des promesses d'une campagne présidentielle qui avait incontestablement convaincu une majorité de nos concitoyens que ce sujet-là serait enfin traité convenablement.
Au regard de ce bilan, somme toute assez critiquable et dont les Français ne semblent pas particulièrement satisfaits, qu'en est-il du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui ?
Il est difficile d'imaginer que l'article 1er de ce projet puisse corriger quoi que ce soit pour les salariés du privé dans les mois ou les deux ans à venir. Ce sera peut-être ultérieurement une mesure qui contribuera à l'augmentation de leurs revenus, mais ce n'est pas certainement pas la mesure qui permettra ni en 2008 et pas davantage en 2009 de corriger une anomalie évidente aujourd'hui. Si le Gouvernement en est à son troisième ou quatrième texte visant à améliorer le pouvoir d'achat, cela signifie que les précédents n'ont pas donné entière satisfaction. Contrairement aux engagements solennels qui sont pris et aux discours qui sont tenus, y compris dans cette enceinte et du haut de cette tribune par le ministre tout à l'heure, le travail ne permet pas à de trop nombreux salariés d'assurer matériellement leur destin ou celui de leur famille. D'où quelques échappatoires avec l'article 1er sur l'intéressement.
Au demeurant, soulignons que cet article crée une dépense fiscale à un moment où l'ensemble des députés de la commission des finances s'accordent à reconnaître qu'il faut en finir avec les dépenses fiscales nichées dans presque tous les projets de loi. En l'occurrence, il est tout de même question d'un milliard d'euros. Mais comment raisonnablement s'appuyer sur cette estimation puisque ce chiffre provient de l'étude menée par un cabinet dont on ignore tout et qui aurait interrogé un panel d'entreprises : lesquelles, selon quels critères, pendant combien de temps ? Là encore, on ne le sait pas. Mes chers collègues, nous ne disposons d'aucun élément d'appréciation pour juger de la pertinence de ce chiffre ; or un milliard d'euros par an, ce n'est tout de même pas rien. J'avais pourtant cru comprendre que le Premier ministre avait, dans un accès de lucidité, estimé que l'État était en faillite. Le ministre des comptes publics avait, lui, répété à l'envi que les caisses étaient vides. En dépit de ces affirmations, on procède à une dépense fiscale d'un milliard d'euros par la création d'une nouvelle niche fiscale alors que je pensais que l'heure était à leur réduction ! La solution retenue va à rebours des préconisations des uns et des autres. L'article 1er est donc inutile en matière de pouvoir d'achat à court terme pour les salariés et, de surcroît, dangereux pour nos finances publiques, qui ne peuvent supporter de tels efforts supplémentaires compte tenu de leur situation réelle.
L'article 2 relatif à la participation gêne beaucoup de monde dans cette enceinte. C'est la troisième ou la quatrième fois que l'on fait appel à la participation parce que le Gouvernement est en panne d'idées, de projet économique et de perspectives en matière de pouvoir d'achat. Preuve en est cet aveu au moment de la présentation du projet de loi : il s'agit bien d'une fusion entre l'intéressement et la participation, c'est-à-dire une confusion entre deux systèmes dont les fondements et les finalités n'ont rigoureusement rien à voir. Permettez-moi de vous rappeler que l'intéressement date de la fin des années cinquante, 1957 et 1959, et la participation de 1967. Si les plus hautes autorités de l'époque – le général de Gaulle et Georges Pompidou – avaient voulu que les deux systèmes fussent identiques, elles n'auraient pas créé la participation qui présente une dimension supplémentaire que l'intéressement n'a jamais eu et n'aura jamais, Patrick Ollier lui-même l'a rappelé, même s'il est arrivé à une conclusion en contradiction avec le raisonnement qu'il a tenu.
La participation est la tentative de transcender les divergences entre le capital et le travail pour arriver à ce qu'ils ont de commun ; ce n'est évidemment pas le cas de l'intéressement qui n'a rigoureusement rien à voir avec la participation.
Plus grave, l'article 2 commet une triple erreur ; d'abord, il pèche contre l'esprit même de la participation. Invoquer les mânes du général de Gaulle au secours du sarkozysme est pour le moins gênant. Il me semble qu'entre gaullisme et sarkozysme, il y a bien plus qu'une différence de style.