Le débat en commission peut être technique ; dans l'hémicycle, et conformément au mandat que chacun a reçu de ses électeurs, il doit être technique et politique.
Le second argument que vous avancez concerne l'obstruction. Il n'est pas plus recevable que le premier. Je n'ai pas besoin de multiplier les exemples démontrant le contraire, puisqu'ils ont été très nombreux depuis hier. Je veux simplement rappeler ce que vous disiez, monsieur le secrétaire d'État, dans le journal Les Échos du 23 décembre dernier. D'un côté, vous vous plaigniez de l'obstruction de l'opposition mais, deux colonnes plus haut, vous vous vantiez – à juste titre – d'avoir fait adopter en un an pas moins de cinquante-quatre projets et propositions de loi ce qui représente un texte et demi par semaine de session effective ! Je pense que vous avez même battu un record ! Et vous venez aujourd'hui nous parler d'obstruction : ce n'est pas sérieux ! Comment pouvez-vous affirmer que nous vivons sous le règne permanent de l'obstruction parlementaire ?
En vérité, au prétexte d'une lutte contre l'obstruction, nous assistons à un grave recul de nos institutions démocratiques. À l'heure où la majorité de nos concitoyens réclament davantage de démocratie et veulent être mieux associés aux décisions qui les concernent, où ils réclament avec toujours plus d'insistance que leurs représentants fassent leur travail, vous proposez, au nom d'un principe d'efficacité purement technocratique, qu'ils ne puissent plus, demain, délibérer et critiquer librement.
L'exigence démocratique requiert pourtant plus que jamais que soient levés les nombreux obstacles au débat et au travail parlementaire, qui ont contribué à faire du Parlement une simple chambre d'enregistrement. L'existence du débat parlementaire est une garantie constitutive de toute démocratie. Par-delà le renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement, qui doivent pouvoir être exercés par toutes les composantes des assemblées dans leur diversité, il est indispensable de permettre à chaque député, à chaque groupe de la majorité ou de l'opposition d'exercer pleinement la fonction législative qui est la sienne.
L'opposition ne peut remplir sa fonction que par la voie du droit d'amendement. Par-delà tous les clivages politiques, l'opposition d'aujourd'hui étant la majorité de demain et inversement, il importe au premier chef de garantir l'effectivité du droit d'amender et de la mise en discussion des amendements. Nous proposons donc qu'un travail collectif s'engage – vous avez semblé faire un premier geste à l'égard de l'UMP –, pour qu'ensemble nous puissions parvenir à un consensus large sur la rédaction des articles 12 et 13 du projet de loi, dont ni la lettre ni l'esprit ne sont actuellement acceptables. Nous sommes porteurs de propositions. Nous avons déposé un certain nombre d'amendements visant à mieux encadrer le recours aux procédures simplifiées en le soumettant à l'approbation de l'ensemble des présidents de groupes, et à préserver l'exercice du droit d'amendement sans faire droit à l'obstruction.
Nous souhaiterions que la commission se donne le temps du travail parlementaire, loin des pressions élyséennes : tel est le sens de notre demande de renvoi en commission. Nous savons que nous avons peu de chances d'être entendus, car vos propositions s'inscrivent, de fait, dans la logique voulue par le chef de l'État, celle d'une offensive du pouvoir exécutif et de la majorité pour contrôler tous les pouvoirs : judiciaire, médiatique et législatif.