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Intervention de Jean-Claude Sandrier

Réunion du 14 janvier 2009 à 15h00
Application des articles 34-1 39 et 44 de la constitution — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Sandrier :

Abordons pour finir le chapitre sans doute le plus contesté de ce projet de loi : celui qui concerne les dispositions organiques relatives à l'application du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, à savoir les modalités d'exercice du droit d'amendement. Rappelons en effet que la réforme constitutionnelle est venue ajouter une phrase à ce premier alinéa, lequel ne se borne plus à disposer que « les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement », mais précise désormais que « ce droit s'exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique ».

C'est ce fameux cadre que fixent les trois derniers articles de votre projet de loi. Qu'en dire, sinon que ces articles nous éclairent sur ce que nous avions déjà dénoncé lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle : votre volonté, au prétexte d'un prétendu renforcement des droits du parlement, de museler l'opposition ?

En effet, le droit d'amendement est aujourd'hui la forme d'expression principale du droit d'initiative des députés : jusqu'à présent, plus de 20 000 amendements étaient ainsi déposés chaque année.

Partagé avec le Gouvernement, ce droit – déjà très encadré, rappelons-le – reste dans le principe libre et illimité. C'est un droit individuel, que chaque député peut exercer en son nom propre, en sa qualité de représentant de la nation.

Les plus importantes de ces restrictions portent actuellement sur la recevabilité financière – article 40 –, et législative : les amendements doivent relever du domaine de la loi. Cette dernière restriction a d'ailleurs été encore renforcée par l'article 41, alinéa 1, de la Constitution révisée.

Il existe bien entendu, d'autres restrictions, celles portant en particulier sur les délais de dépôt, qui ont considérablement évolué. Alors que les députés pouvaient déposer des amendements jusqu'au début de la discussion générale, ils doivent le faire désormais au plus tard la veille du débat à dix-sept heures. Le Gouvernement peut, quant à lui, déposer à tout moment des amendements, demander un nouveau vote sur un article si un amendement est adopté contre sa volonté. Le Gouvernement peut, dans le même esprit, s'opposer à la discussion des amendements qui n'ont pas été soumis à la commission saisie au fond.

Cette arme de procédure n'est généralement pas utilisée, mais, au total, cela témoigne du déséquilibre entre les droits consentis aux députés, notamment ceux qui appartiennent de fait à l'opposition, d'une part, et au pouvoir exécutif, d'autre part. Un déséquilibre que vous nous proposez d'abord de confirmer avec les dispositions de l'article 11, puis d'accentuer dans des proportions invraisemblables au moyen des articles 12 et 13.

Vous proposez en effet un dispositif inédit : un amendement pourra être mis aux voix sans discussion, au nom du respect des délais préalablement fixés pour l'examen d'un texte, ou purement et simplement déclaré irrecevable en séance publique, si devait être instituée la procédure d'examen simplifié.

Certes, nous sommes renvoyés ici à la future réforme des règlements de l'Assemblée et du Sénat. Il reste que votre texte pose clairement le principe de l'inscription des débats parlementaires dans un temps contraint, qui va de fait limiter, sinon vider de son contenu, le droit d'amendement, dans son exercice tant collectif qu'individuel. Or le droit d'amendement est la seule arme dont dispose l'opposition pour s'opposer, c'est-à-dire pour exercer le rôle de contre-pouvoir et de garant du pluralisme qui est le sien dans toute démocratie. Ce droit fondamental, démocratiquement vital, vous entendez le réduire à un droit formel.

Les députés pourront certes déposer des amendements, et même autant qu'ils le souhaitent, mais n'auront pas nécessairement la possibilité de les défendre individuellement en séance publique. Cette restriction a déjà commencé d'être appliquée avec l'examen de ce texte et ira beaucoup plus loin…

Pour contrer les objections de l'opposition, vous invoquez essentiellement deux arguments. Malheureusement, ni l'un ni l'autre ne sont recevables.

Le premier consiste à affirmer qu'il serait possible de limiter la durée des discussions, car le projet de loi discuté en séance publique serait celui amendé par la commission. Cela pose une question de fond, qui a déjà été évoquée : depuis quand le travail d'une commission remplace-t-il celui d'une assemblée plénière ? Quel pouvoir a une commission, de quelque assemblée que ce soit ? Aucun ! Le pouvoir appartient totalement à l'assemblée réunie en séance plénière, c'est-à-dire en présence de tous les députés qui souhaitent y assister, et publique, comme l'impose notre démocratie. Donc, le vrai débat doit avoir lieu dans l'hémicycle. Rien ni personne ne doit pouvoir l'édulcorer, le limiter ou le censurer. Que vous le vouliez ou non, même si vous contestez que ce soit votre objectif, procéder autrement qu'en laissant aux députés la liberté de parole dans l'hémicycle est une atteinte à la démocratie.

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