Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, trois dispositions du présent projet de loi organique nous inspirent de légitimes craintes : la limitation du droit d'amendement des députés aux seuls amendements adoptés en commission, après un délai qui sera éventuellement raccourci ; la possibilité donnée au seul Gouvernement de déposer des amendements après l'examen en commission ; la limitation du temps de la discussion, de façon à proscrire tout débat sur les amendements.
Nos craintes tiennent à trois raisons essentielles. La première est l'importation de dispositifs de « surcontrainte », lesquels ont une finalité orthopédique, c'est-à-dire, étymologiquement, de nature à rendre droits les enfants. En l'occurrence, il s'agit de corriger les éventuelles défaillances d'une majorité. Ces dispositifs existent dans d'autres parlements, mais leur importation dans un environnement qui n'est pas celui d'un régime parlementaire pose problème. Notre régime a en effet ceci de particulier qu'il cumule l'élection au suffrage universel d'un Président puissant, l'existence d'une majorité parlementaire qui dépend de ce dernier, et un contrôle de constitutionnalité qui, historiquement, fut créé non pour protéger les libertés mais pour surveiller le Parlement et le limiter dans ses initiatives. Autrement dit, le projet gouvernemental nous propose d'enserrer et de contraindre davantage encore le Parlement.
Le secrétaire général de l'Élysée, Premier ministre bis, a déclaré sur une chaîne privée, pas plus tard que dimanche dernier, qu'il s'agissait d'empêcher le « sabotage » et de faire passer les réformes présidentielles. En économie, le sabotage est un acte matériel tendant à empêcher le fonctionnement normal d'un service ; mais en régime parlementaire, faire délibérer des députés, leur permettre de s'exprimer parfois longuement et de contester, sous l'oeil vigilant des citoyens et de l'opinion publique, c'est assurer le fonctionnement normal de la démocratie.